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LES APTITUDES

importante pour la pédagogie, mais la pédagogie classique y est restée étrangère. Elle continue à vivre sur une description du travail intellectuel, qui est traditionnelle, qui certes n’est point fausse, mais qui n’est pas vraie pour tous les individus. On présente le travail intellectuel comme une manifestation d’activité intellectuelle qui serait à la fois consciente, volontaire, raisonnée et personnelle. C’est une erreur. Il y a d’autres méthodes de travail qui sont tout aussi efficaces. À la méthode de la réflexion, il faut ajouter et même opposer la méthode de l’inspiration[1]. Suivant les tempéraments, c’est l’une des méthodes ou l’autre qui a le plus efficacité. Il faut se connaître, essayer des deux méthodes, les comparer, voir celle qui réussit le mieux, chercher notamment les conditions particulières où l’une doit être préférée, car c’est surtout une question d’opportunité.

La méthode de réflexion consiste à prendre comme point de départ une idée précise, une idée qu’on peut formuler, une idée qu’on a trouvée par la réflexion, et dont on pourrait expliquer toute la genèse, tous les antécédents, toute la continuité ; l’idée est donc pleinement consciente. Sur elle, on exécute un travail qu’on a entrepris parce qu’on le veut bien ; on le commence quand on le désire, on l’interrompt, on le reprend et on le termine de la manière qu’on juge convenable ; le travail est donc complètement à nos ordres. Pendant qu’il se poursuit, on exerce son attention, sa mémoire, son sens critique ; on examine une idée, on l’accepte ou bien on la rejette ; et toutes les fois on sait pour quelle raison on a fait ceci plutôt que cela ; le travail est donc entièrement raisonné. Ce qu’il a souvent de pénible et même de douloureux tient à la nécessité de ne penser qu’à son sujet, et de

  1. J’emprunte ces deux expressions précises à Souriau. Voir La Rêverie esthétique, Paris. Atcan, 1906, p. 115 et suiv.