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Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/273

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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

dépense à recueillir des faits exacts, mais sans intérêt, ce qui est en partie vrai ; pour les observateurs, les théoriciens perdent leur temps à inventer des interprétations intéressantes, mais inexactes, et cela aussi est en partie vrai. Il est évident que ces deux tendances d’esprit sont incomplètes, fragmentaires ; il faudrait, non pas seulement les faire coexister et être à la fois observateur et interprétateur, mais encore les souder, être interprétateur de ce qu’on a observé, ou observateur dans le sens de ce qu’on interprète. Pour prendre une image matérielle, l’idéal d’un savant complet n’est point d’avoir à la fois une vis et un écrou, mais un écrou adapté à la vis.

Il n’est pas difficile de démêler chez de jeunes enfants des dispositions naissantes vers l’observation externe ou vers l’introspection ; mais ce ne sont point là des analyses qu’on fait commodément dans les écoles ; les écoliers nous y sont trop peu, trop mal connus individuellement ; on ne fait sur eux que des constatations bien superficielles. Il faut avoir fait ailleurs la psychologie des types intellectuels pour être en mesure de la retrouver chez des écoliers. Le hasard a voulu que dans ma propre famille, il y a quelques années, j’ai trouvé deux fillettes qui présentaient, dans une opposition intéressante, le type de l’observation et celui de l’interprétation. Ces deux fillettes étaient presque du même âge, elles avaient onze ans et douze ans et demi à cette époque, elles recevaient intégralement l’instruction dans leur famille, et elles étaient ainsi soumises à des influences extérieures qui étaient aussi pareilles qu’on puisse le souhaiter ; par conséquent, les différences mentales qui les séparaient étaient bien dues à leur nature propre. J’ajouterai que j’ai pu les étudier pendant plusieurs années, tous les jours, faire avec elles un nombre immense d’expériences, qui étaient contrôlées par des observations directes de leurs parents et de moi-même ; et c’est là que pour la