Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

fait un plus grand nombre d’associations verbales. Depuis l’époque où j’écris, elle a bien montré son développement verbal ; elle a de l’esprit de mot, elle a écrit des vers, et dans la conversation elle cultive avec succès le calembour. Or, le développement du langage, je l’ai déjà dit, marque chez elle un esprit tourné vers la vie intérieure ; et en effet, j’ai constaté bien souvent que si Marguerite, qui est intelligente, peut faire utilement de l’introspection, elle y réussit moins bien qu’Armande ; celle-ci s’analyse avec prédilection ; on sent qu’elle est là dans son domaine. Un dernier trait qui met comme le sceau au parallèle que nous venons d’esquisser : le monde extérieur exprime surtout l’espace, les rapports de position entre les objets, tandis que le monde intérieur ne contient aucun espace, aucune distance, ni aucune forme ; il est asservi seulement à la loi du temps. Or, fait bien surprenant, j’ai vu maintes fois que Marguerite, qui est l’observatrice, le type objectif, sait toujours bien s’orienter dans les promenades et les courses au milieu d’un endroit inconnu ; elle connaît la direction du nord ou de son point d’origine. Au contraire, Armande ne se préoccupe pas de l’orientation, elle perd très vite la notion des directions principales, et elle retrouve difficilement son chemin. En revanche, Marguerite ne se soucie pas de l’heure, du temps qui s’écoule, tandis qu’Armande attache à l’heure la plus grande importance ; l’heure est comme une de ses préoccupations principales. Elle sait toujours l’heure qu’il est ; et si elle ne peut pas consulter une montre, elle arrive à conjecturer très exactement l’heure réelle.

Ce qu’il importe surtout de montrer en terminant, ce sont les conclusions pédagogiques à tirer de ces analyses. Depuis que j’ai fait ces études, plusieurs années se sont passées, les petites fillettes sont devenues grandes, et j’ai pu suivre attentivement tout leur