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Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/335

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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

qu’elle amoindrit leur autorité ; c’est donc sans compensation aucune qu’ils ont eu recours à des moyens dont le grand défaut est d’exciter chez les enfants des sentiments de rancune et de malveillance, ce qui est infiniment regrettable, car l’éducation doit être œuvre de bonté.

Le caractère intellectuel et moral des enfants est aussi une précieuse indication. Ceux qui les connaissent bien savent à quel point il faut varier ses procédés pour arriver à un résultat quelconque. On se borne à commander aux très jeunes, mais il faut raisonner davantage avec les plus âgés, et chercher à les convaincre. Je me rappelle deux enfants dont le caractère était si différent que si on les avait traités de la même manière, on n’aurait rien obtenu ni de l’un ni de l’autre. L’un était à la fois très sensible de cœur et très indépendant de caractère. Il fallait le prendre à la fois par le sentiment et le raisonnement ; il était touché par certaines paroles, et surtout convaincu par les explications qu’on lui donnait et dont il percevait la justesse ; mais un ordre sec le faisait cabrer. L’autre, qui était pourtant du même âge, se montrait tout différent. Il n’était certes pas insensible aux arguments émotionnels, ceux-ci le touchaient profondément, mais c’était une imprudence de se mettre à raisonner avec lui car il niait l’évidence, il ne s’avouait jamais vaincu et mettait dans la discussion une affaire d’amour-propre ; le meilleur moyen de le diriger était d’employer l’ordre impératif, et sans réplique. On peut être, en théorie, l’adversaire de l’argument d’autorité ; en fait, il y a des cas où cette méthode s’impose.

Je suis persuadé que si on connaissait exactement les différents types de caractère qui existent, on arriverait assez vite à classer chaque enfant, et à deviner quelle est l’éducation morale qui convient à sa catégorie. Au lieu de tâtonner et de faire tant d’erreurs,