Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/113

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et les mouvements se coordonnent pour maintenir la station debout sans que le sujet se doute qu’il soit levé. Mais en général, l’harmonie des mouvements ne va pas jusqu’à s’établir entre la physionomie et les attitudes imprimées aux membres ; si on ferme énergiquement le poing anesthésique, la figure ne prend pas une expression de colère ; si on joint les mains, la figure ne prend pas une expression extatique ; cependant cette influence du geste sur la physionomie est dans la logique des choses, et on l’a vue parfois se réaliser pendant la catalepsie partielle de l’état de veille[1]. Il y a là une généralisation de mouvements inconscients qui est analogue à celle que nous avons déjà signalée pour la répétition inconsciente.

Les mouvements d’adaptation les plus curieux se produisent à la suite d’excitations douloureuses, comme des pincements de la peau ou des brûlures ; le personnage inconscient exécute alors des mouvements de défense pour se soustraire à la douleur. Seulement, il ne suffit pas en général pour provoquer ces mouvements de défense, de piquer, même profondément, la main anesthésique. Si le procédé de la piqûre était suffisant, comme c’est celui qu’on emploie dans la clinique courante pour explorer la sensibilité, il y aurait longtemps que les médecins se seraient aperçus des mouvements d’adaptation que nous allons décrire. En réalité, les pincements et piqûres ne produisent pas en général des mouvements de défense ou de fuite ; quoique piquée, la main insensible reste immobile, sans se défendre. Pour lui faire donner un signe de douleur, il faut une excitation qui ait une signification et détermine la perception d’un objet connu. Des impressions simples

  1. Pierre Janet, Automatisme psychologique, p. 232. Nous aurons à citer souvent cet important ouvrage, dans lequel la question de la dissociation mentale a été traitée avec une grande largeur d’idées. Nous exposons ici le même sujet que M. Pierre Janet, mais en nous plaçant à un point de vue un peu différent du sien ; nous n’avons point cherché, comme lui, à faire valoir nos opinions personnelles ; nous nous attachons plutôt à exposer les résultats acquis et admis par la majorité des auteurs ; c’est pour cette raison que nous laissons de côté plusieurs de nos expériences personnelles qui n’ont pas encore été répétées et vérifiées par d’autres.