Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/138

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qu’il pense ni ce qu’il est. Si l’on cherche à causer avec lui par l’intermédiaire de l’écriture, si on lui pose une question ou si on lui donne un ordre, on n’obtient pas la réponse désirée et l’ordre n’est pas exécuté ; fait-on écrire à la main : « levez-vous », le sujet le plus souvent ne se lève pas. Sa main insensible se contente de répéter l’ordre donné en l’écrivant spontanément une seconde fois[1].

Le procédé de la distraction, employé sur les mêmes personnes, donne des résultats bien meilleurs, car la question posée reçoit une réponse intelligente, et l’ordre donné est exécuté dans son sens véritable. Il y a donc une grande différence entre les effets des deux méthodes ; ce n’est, bien entendu, qu’une différence de degré, qui tient au développement qu’a pris le personnage inconscient ; en outre, on trouve des malades qui font la transition, et chez lesquels l’ordre transmis, de quelque façon que ce soit, est exécuté ponctuellement. Néanmoins il est utile de signaler une différence qui présente un grand intérêt psychologique.

Rien n’est instructif comme les conversations qu’on peut entretenir avec le personnage inconscient. Il faut d’abord que l’expérimentateur indique à ce personnage comment celui-ci transmettra les réponses ; les moyens sont nombreux ; il y en a un qui consiste dans les gestes de la main ; on conviendra que le sujet répondra oui ou non en agitant l’index ; ceci ne va pas loin ; on peut aussi avoir recours à l’écriture automatique ; on glisse un crayon dans la main du sujet, puis, au lieu de diriger la main, car dans ce cas elle répéterait indéfiniment l’impulsion graphique communiquée, on pose une question à voix basse : « Quel est votre nom ? », etc., et la main écrit la réponse. On pourrait encore convenir avec l’inconscient qu’il doit répondre verbalement. L’échange des idées une fois établi, on arrive à

  1. Renouvelant une ancienne théorie de Maine de Biran, et s’inspirant des idées ingénieuses de M. Fouillée sur les dégradations de la conscience, M. Pierre Janet a essayé de montrer que dans ces expériences et dans d’autres analogues, il se produit une conscience impersonnelle sans idée du moi (op. cit., p. 42).