Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/152

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En troisième lieu, des notions sur le mouvement accompli nous viennent des sensations que l’on rapporte à la sensibilité générale ; ces sensations, plus obscures et plus mal définies que les précédentes, sont extrêmement nombreuses ; tout d’abord, lorsqu’on exécute un mouvement difficile, la bouche se ferme, la glotte se resserre, la respiration s’arrête ou précipite ses mouvements ; ces synergies musculaires doivent contribuer, selon Ferrier et W. James, à la genèse de la sensation de l’effort ; en outre, il se produit d’autres sensations, mieux localisées, qui proviennent directement des membres en action ; lorsqu’on meut son bras ou sa jambe, les yeux fermés, on sent que le membre se déplace ; sans doute on a connaissance du mouvement par le seul fait qu’on a conscience de la volonté qui le commande ; mais ce n’est pas tout ; il y a une impression spéciale, d’origine périphérique, qui nous avertit de la contraction de nos muscles volontaires ; nous connaissons l’énergie, la durée, la vitesse, l’étendue, la direction de nos mouvements ; nous connaissons la situation de nos membres et des différentes parties de notre corps ; enfin, nous connaissons les mouvements actifs et passifs exécutés par notre corps pris en totalité. Ces impressions de mouvements (sensations kinesthésiques de Bastian) auxquelles la psychologie moderne fait jouer un rôle considérable, dérivent probablement des muscles contractés, des ligaments tirés, des articulations comprimées, de la peau tendue ou relâchée, plissée ou froissée. Ce sont elles qui, indépendamment de la vue, nous donnent la notion de la résistance des corps, de leur poids, de leur consistance, de leur forme. Seulement, on n’est pas encore parvenu à déterminer avec certitude ce qui, dans ces sensations totales de mouvement, revient au muscle, à la peau, aux surfaces articulaires[1].

  1. Pour l’étude de cette question, je renvoie à l’important ouvrage de M. Beaunis : les Sensations internes. (Bibl. scient. inter.)