Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/154

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mouvement, ce que nous avons appelé d’un mot sommaire le fiat de la volonté. Les muscles, n’étant point paralysés, peuvent se contracter. Tout ceci subsiste, mais les deux états de conscience modèle et copie sont gravement atteints. D’abord la perception du mouvement, à mesure qu’il s’exécute, est supprimée ; plus de sensations visuelles, puisqu’on interpose un écran ; plus de sensations tactiles et kinesthésiques en retour, puisque le membre est anesthésique. Ainsi, le sujet cesse d’être en communication avec son membre, il n’en reçoit plus de nouvelles. Voilà pour l’état de conscience copie. Quant au modèle, cette représentation si complexe et si riche chez une personne normale, nous allons voir qu’elle s’est notablement appauvrie.

En effet, le sujet ne peut plus se représenter le mouvement sous la forme motrice ; il a perdu à la fois les sensations kinesthésiques et les images correspondantes ; c’est du moins la règle ; l’anesthésie d’un sens entraîne en général la perte de la mémoire de ce sens[1]. À défaut d’image motrice pour se représenter l’acte avant de l’exécuter, l’hystérique peut faire appel à d’autres images, qui jusqu’à un certain point remplaceront les précédentes ; il pourra surtout employer les images visuelles, si du moins il a une bonne mémoire visuelle, ce qui n’est pas toujours le cas ; il se fera donc tant bien que mal une représentation mentale du mouvement à accomplir. Les images auditives ne peuvent guère lui servir. L’image visuelle est en somme tout ce qui lui reste.

Pas absolument tout, cependant : nous avons mentionné simplement la perte des sensations kinesthésiques ; ce n’est pas une perte complète, absolue, ou, du moins, cette perte n’a lieu que pour la personnalité principale ; tout ce qu’on doit admettre, c’est que le moi principal du sujet a perdu la perception de ces sensations ; mais à côté et en dehors de ce moi, il y a une autre conscience capable de recueillir et de coordonner les sensations qui sont en apparence per-

  1. Il y a, je crois, des exceptions à cette règle : on peut dire seulement que très fréquemment l’anesthésie d’un sens en entraîne l’amnésie.