Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/157

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ture « en miroir » ; mais le plus souvent les malades écrivent de gauche à droite, dans le sens normal.

Il est important de fixer avec précision quelles sont les impressions éprouvées par le sujet hystérique au moment où il écrit avec sa main insensible. Il s’agit là, il est vrai, d’un état subjectif, qu’on ne peut connaître que par conjecture, en interrogeant les malades et en essayant de comprendre des explications qui ne sont pas toujours claires. Cependant nous sommes convaincu que chez les hystériques anesthésiques l’état psychique qui dirige les mouvements de l’écriture n’est pas le même que celui d’un scripteur normal. En effet, tous ceux qui ont de l’insensibilité profonde dans le bras et la main s’accordent à dire qu’ils ne se sentent pas écrire ; en d’autres termes, ils n’ont pas conscience du mouvement volontaire exécuté par leur main. Aussi, les mouvements de l’écriture, exécutés par la main anesthésique, sont-ils à la fois volontaires et inconscients. Au contraire, quand le sujet se sert de sa main sensible, il a la notion des mouvements graphiques qu’il exécute et il apprécie très bien la différence.

De plus, chez la plupart des malades, l’écriture inconsciente de la main insensible est guidée par un état de conscience visuel ; les sujets, interrogés avec précision, affirment presque tous qu’ils se voient écrivant ; cela veut dire qu’ils se représentent dans leur esprit l’image de leur main qui écrit, ou l’image de la lettre qu’ils écrivent ; c’est ce modèle que copie le mouvement graphique inconscient. Bien entendu, ce fait n’est pas constant, il est seulement assez général, et tient à ce que les malades appartiennent au type visuel[1]. J’ai pu étudier à cet égard une malade très intéressante, qui a si peu de mémoire visuelle qu’elle ne peut pas se rappeler la couleur des yeux de ses meilleures amies, à moins qu’on ait fait allusion devant elle à cette couleur (alors, c’est la mémoire verbale qui intervient) ; cette malade, quand elle écrit les yeux fermés avec sa

  1. Sur l’existence du type visuel, voir ma Psychologie du raisonnement, chap. I.