Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/206

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mentale dans les observations de la vie courante, montrer par exemple que de tous temps les moralistes et les poètes ont soutenu qu’il existe en chacun de nous plusieurs moi, qui se révèlent principalement dans les manifestations violentes de la passion. Malgré l’intérêt littéraire de ces recherches, nous croyons utile de les négliger, parce qu’elles donnent des résultats trop incertains ; il est préférable, à tous les points de vue, d’employer un autre procédé.

Nous allons nous borner à relater les expériences qui ont été faites sur des personnes saines ou à peu près, et qui contiennent des preuves de dissociation de conscience ; ces expériences sont précises, autant du moins que des expériences psychologiques peuvent l’être ; et leurs résultats, sans avoir la généralité et le caractère brillant des descriptions des poètes, nous paraissent mille fois préférables[1].

Toutes les expériences qui vont suivre ont pour trait commun de placer une personne dans une condition telle qu’elle trahit au dehors, sans le vouloir et souvent sans le savoir, la pensée secrète qui l’occupe. En d’autres termes, cette personne est amenée à exécuter des mouvements inconscients.

L’interprétation psychologique de ces expériences a un peu varié ; celle qu’on avait imaginée autrefois était assez simple. On admettait que le caractère principal des mouvements inconscients est une action des pensées sur les mouvements ; toute pensée, et particulièrement si elle est concrète, si elle est image, a une tendance à se dépenser en mouvement ; elle contient en elle un germe moteur ; bien plus, elle est un mouvement qui commence, qui s’ébauche ; penser, a-t-on dit avec raison, c’est se retenir d’agir, c’est exercer une action d’arrêt sur la tendance motrice des images qui occupent l’esprit à un moment donné. Suppo-

  1. Ces études sur les réactions des sujets sains comparés aux hystériques, soulèvent des problèmes encore discutés, par exemple celui des rapports de l’hystérie avec l’hypnotisme. Nous laissons ces problèmes de côté et nous nous contentons de décrire une série d’expériences.