Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/215

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visuels, suivant l’expression usitée aujourd’hui, et les autres des moteurs. Penser à un nom pour les uns c’est donc surtout, et pour quelques-uns même, c’est exclusivement entendre ce nom (image auditive) ; pour les autres, c’est le voir ; pour d’autres encore, c’est le prononcer (image motrice d’articulation) et pour un dernier groupe c’est l’écrire (image graphique). Qu’on n’oublie pas que pour beaucoup (les indifférents, comme les a appelés M. Charcot), les images des trois catégories peuvent être utilisées. Par suite, je suis porté à croire que, si on trouvait un auditif pur, et qu’on tentât avec l’expérience dont il s’agit ici, on n’obtiendrait aucun résultat.

« Je ferai cependant une réserve. Ne se pourrait-il pas que même chez un auditif, dans quelques cas, soit sous l’influence de la légère émotion produite par cette expérience d’apparence un peu étonnante pour le vulgaire, soit surtout à cause de l’attitude prise (et M. Binet dans l’article cité plus haut a bien montré l’importance de l’attitude pour la production de ces mouvements inconscients chez les hystériques), soit pour ces deux raisons réunies, l’expérience réussît ? — Mais alors une conclusion ne s’impose-t-elle pas ? C’est que dans toute image il y a des éléments moteurs, comme éléments intégrants : aucune perception de la vue n’est possible sans mouvements des muscles de l’œil et du muscle accommodateur ; la formation de toute image tonale ne résulte pas seulement de la transmission au cerveau des sons entendus, mais implique aussi des mouvements des muscles intrinsèques de l’oreille. Tous ces phénomènes de mouvement laissent leur trace dans le cerveau ; et ces résidus moteurs doivent s’associer aux autres résidus de même nature qui résultent des mouvements graphiques. Seulement cette association est sans doute plus ou moins forte. En tout cas, on voit que, même chez les auditifs ou les visuels purs, toute image comprend des éléments moteurs qui, dans certains cas, peuvent réveiller des images graphiques, bien que celles-ci chez ces individus ne jouent aucun rôle dans l’exercice habituel de la pensée.