Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/324

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1o Des éléments qui entrent normalement dans la constitution de notre moi peuvent être en état de désagrégation ;

2o Une conscience ne cesse pas d’accompagner ces éléments, bien que notre moi en perde conscience ;

3o Parfois, dans des conditions exceptionnelles, pathologiques ou expérimentales, ces éléments s’organisent en personnalités secondaires.

Cette dernière circonstance, si peu générale qu’elle soit, étant possible, présente cet intérêt d’éclairer la nature de notre moi et son mode de formation. Voici comment.

Nous sommes faits de longue date, par les habitudes du langage, par les fictions de la loi, et aussi par les résultats de l’introspection, à considérer chaque personne comme constituant une unité indivisible. Les recherches actuelles modifient profondément cette notion importante. Il paraît aujourd’hui démontré que si l’unité du moi est bien réelle, elle doit recevoir une définition toute différente. Ce n’est point une entité simple, car s’il en était ainsi, on ne comprendrait pas comment, dans des conditions données, certains malades, exagérant un phénomène qui appartient sans doute à la vie normale, peuvent manifester plusieurs personnalités distinctes ; ce qui se divise doit être formé de plusieurs parties ; si une personnalité peut devenir double ou triple, c’est la preuve qu’elle est un composé, un groupement, une résultante de plusieurs éléments. L’unité de notre personnalité adulte et normale existe bien, et personne ne songerait à mettre sa réalité en doute ; mais les faits pathologiques sont là qui prouvent que cette unité doit être cherchée dans la coordination des éléments qui la composent.

Cette vérité, l’ancienne psychologie n’avait pas peu contribué à la faire oublier, non seulement par ses hypothèses sur la nature du moi qu’elle tenait pour une entité distincte des phénomènes de conscience, supérieure à ces phénomènes et ne participant pas à leurs changements incessants — mais encore par la méthode d’analyse qu’elle