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son élève, il lui fit lire, à l’àge de treize ans, cinquante des gros volumes de l'Histoire universelle, traduite de l’anglais ; exigea de sa mémoire autant que de son intelligence, et ne lui fit pas même grâce de la longue série des consuls romains, qu’il fallut apprendre et retenir. La jeune fille se joua de ces difficultés, qui auraient lassé peut-être pour toujours une organisation moins heureuse, et continua, avec un zèle soutenu, une suite d’études dirigées toutes sur ce plan dangereux à force d’être étendu.

L’instituteur fit courir à son élève un péril plus grand encore. L’époque de la première communion était arrivée. Disciple zélé d’Helvétius, il présenta à sa fille cette cérémonie comme une sorte de sacrifice qu’il fallait faire à l’usage, la tourna presque en ridicule ; et, pour l’instruction préparatoire, lui remit avec dédain un exemplaire de l’Évangile, filais l’âme tendre et pieuse de l’enfant comprit le livre inspiré mieux que ne l’avait fait son père. Il devint dans la suite sa lecture favorite ; elle s’en pénétra, en nourrit sa jeune raison ; et, repoussant avec une égale répugnance le fanatisme de quelques philosophes, l’intolérance de quelques dévots, elle fut et resta chrétienne.

Elle passa ainsi sa première jeunesse, entourée d’affections, guidée avec soin dans des études qui pour elle étaient un bonheur, habitant tour à tour la campagne et Moulins, ayant toujours sous les yeux les rives de l’Ailier, si vertes, si riantes, si diversement cultivées, et auxquelles elle dut les premières et naïves inspirations de son âme.

L’âge suivant fut bien moins heureux. Père de quatre filles, M. Celnart voulut s’enrichir pour elles. Trop confiant dans sa supériorité, il entreprit des spéculations industrielles, et créa, en 1814, une fabrique de sucre