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était en ce moment livré à un profond désespoir. Tout ce qui pouvait dans cette heure d’angoisse lui offrir la plus faible chance favorable, il s’y cramponnait, pour ainsi dire, avec la force que donne le délire.

« Quel effet produit ton remède ? » demanda-t-il au paysan.

« Le paysan s’explique. — « C’est un topique, ainsi nul danger pour les sources de la vie. » Mais d’après ce qu’il dit lui-même, les souffrances qu’il donnait étaient atroces.

« Mon père mande les médecins qui soignent infructueusement ma mère depuis trois mois : tous ont du talent, tous sont pleins de raison et d’esprit a La nature est immense dans les bienfaits, dit M. Barthès : que savons-nous qu’elle - réserve à la main de cet homme ? Laisons-le agir.

« On demande à ma pauvre mère si elle veut se rési¬ gner à un surcroît de supplice : elle consent à tout ; elle avait fait le sacrifice de sa vie.

« Le paysan demande à retourner chez lui : son village est voisin ; il promet d’être de retour le lendemain dans la matinée. Mon père frémit en apprenant que cet homme est de Saint-Gilles 1 ; mais il paraît sensé. Tous ses pré¬ paratifs se font avec une sorte de méthode : il pétrit cinq pains ronds ; la pâte est composée par lui. Voilà son secret, il est simple : ce sont des herbes qu’il cueille lui-même, qu’il fait’bouillir, et avec cette décoction qu’il augmente avec beaucoup de bière forte, de la fa¬ rine de maïs, il fait une pâte sans levain, fait cuire ses pains, les sort du four, et sans les laisser refroidir, il les coupe en deux et les applique sur la partie malade. Ma mère m’a dit souvent que l’on pouvait par le pouvoir de

1 Village ou il sc trouve un grand nombre d’aliénés : dans chaque ha¬ bitation il y a la chambre du fou.