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Hélas ! ce vœu ne devait pas être exaucé. Elle était alors à sa troisième grossesse. Déjà mère de deux filles, elle désirait passionnément un fils ; et en effet, au mois de janvier 1833, elle accoucha d’un garçon. Le 24 de ce même mois, eu exprimant sa joie à sa sœur, qu’elle savait grosse, elle ajoutait : « Il ne me manque plus que ton fils, à toi, pour être la plus heureuse des femmes, complètement, parfaitement heureuse, et je sais ce que je dis là. »

Le 11 mars elle n’était plus !… Dieu, sans doute, la ravit brusquement à ce bonheur, pour qu’elle n’eût pas un jour à le pleurer ; car il en est ainsi de toutes les joies de la terre ; il faut que nous leur échappions ou qu’elles nous échappent! Mais ce qu’elles ont d’éphémère et d’incomplet est pour nous, comme pour cette pieuse jeune femme, le garant d’un avenir meilleur. Si Dieu a mis dans le cœur de l’homme le sentiment des biens qui lui manquent, ces biens existent : on ne peut avoir l’idée de ce qui n’est pas.

Quant à moi, chargée de retracer cette courte et belle vie, j’aurais trouvé ma tâche bien facile si j’avais pu mettre en entier sous les yeux du lecteur, ces révélations d’une âme si pure, d’un cœur si tendre, d’un esprit si élevé ; ces pages d’une correspondance intime qui contiennent sur les personnes et sur les choses, sur le monde et sur les livres, des observations si fines et si justes, une appréciation si nette, une critique si éclairée. Mais forcée de me borner à quelques fragments, il me restera, malgré tous mes efforts, la triste conviction de n’avoir pu en donner qu’une idée bien imparfaite, et la satisfaction plus triste encore de dire à ceux de nos amis communs qui me parlaient d’elle avec une si haute estime, une si respectueuse sympathie : a Vous étiez loin encore de savoir tout ce qu’elle valait ! »