Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/393

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rudes avaient fatigué mon énergie. Je te dis : « Je suis lasse ; il me faut un autre air, d’autres lieux, d’autres difficultés! » Toi qui devais en me perdant retomber dans l’isolement de ta pensée, tu me compris, comme toujours ; tu me dis ; «Partez! Vous mourriez ici. » Ta ajoutas avec un sourire de tendresse : « J’irai vous rejoindre un jour. » Le croyais-tu en effet ? Moi j’y comptais bien. Désintéressé de ta propre souffrance, tu pris en compassion la mère tourmentée de la destinée de ses trois enfants. Et moi qui pus te quitter, je t’aimais bien peu…. Ne le crois pas, frère ; je t’ai aimé et respecté dans la vie, je t’aime et te respecte dans la mort.

Si tu revenais, je te ferais peine à voir ; tu me trouverais bien changée, bien différente de la femme que tu connus sincèrement bonne et modeste dans son oubli d’elle-même, dans ses dévouements. Je fus tout cela de longues années. Ce temps est bien loin. Sais-je quelle puissance fatale je subis ? Mais à mesure que les réalités me deviennent moins contraires, que ma pensée grandit, se complète ; à mesure que je sais davantage ; que le beau, le vrai, est plus profond en moi ; que les hautes convictions se révèlent plus nettes, plus splendides, je me fais mauvaise ; j’ai comme des ivresses d’amertume impatiente ; l’amitié me trouve injuste, le courage dix bien faillit en moi. J’ai conservé l’ardeur des choses difficiles et bénies, à peine si j’en ai la volonté. Ce qui m’est resté sans altération, c’est l’humilité de la prière, c’est la franchise, c’est la modestie des besoins extérieurs : disposition qui assure ma dignité. Que dis-tu de cette révélation ? Elle est triste, n’est-ce pas ? C’est que j’ai lâchement renié mes saintes gloires, c’est que j’ai mêlé des semences maudites aux semences heureuses. Pourquoi m’as-tu délaissée ?…

À Lyon, j’ai eu des amis prêts aux jours de malheur.