Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/417

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garantir des goûts si rares, des prédilections tellement classiques, Césaric ne put échapper, pourtant, aux sé¬ ductions innocentes dont l’habitude ou la frivolité se plaisent à caresser l’enfance ; elle ne put échapper aux cadeaux puérils, pas mémo à la poupée de rigueur ; on ne craignit pas, un jour (quelque profane sans doute, quelque ennemi d’Horace, un romantique à coup sûr), on ne craignit pas de lui offrir une poupée, non de ces insignifiantes poupées sans expression, sans couleur, sans vie et sans âme, mais une poupée haute et- belle, élégamment parée, aux traits fiers, nobles et délicats, à la grande et noire chevelure, aux airs majestueux, à l’œil vif, imposant et poétique, au front byronicn, mais une poupée animée, vivante, une femme, une Muse, une Sapho enfin. Le croiriez-vous, Césaric la jette im¬ pitoyablement au feu, la livre aux flammes, en disperse et les lambeaux et les cendres, en forme un auto-da-fé cruel, comme on eût fait d’un martyr, comme on préci¬ pitait les premiers chrétiens aux bêtes ! « Cette friponne avec ses attraits, s’écria Césarie, m’empêcherait d’étu¬ dier !» Et cette friponne, c’était la belle poupée ; et le

sacrifice’était consommé !

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D’Horace elle allait à Tibulle et à Properce ; et de Properce à l’élégie française ; car la langue mère était là pour inspirer l’enfant dans sa langue maternelle. Privée dès l’âge de trois ans des caresses, des soins de celle qui

lui avait donné le jour, Césarie n’avait toujours que

sept ans lorsqu’elle adressa l’épitre suivante à la mort :

O mort, cruelle mort, tu nous es bien contraire!

Tu détruis un «poux aussi bien qu’un bon père.

Ta redoutable faux qui nous moissonne tous,

Ne peut voir la beauté ni consulter ses goûts ;

Bien souvent tu ravis l’espoir d’une famille,

A son père un bon fils, a sa mère une fille ;

O mort, cruelle mort, tu nous rends malheureux!