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Je citerai deux rhythmes d’un effet heureux : celui de la poésie intitulée Chant, et celui d’un chant de Peau dâne. Dans cette dernière poésie, chaque strophe se compose de vers de neuf syllabes, et se termine par un vers de trois ; cette chute fait parfaitement, parce que ce petit vers s’harmonise avec les autres, où le repos est ménagé à la troisième syllabe. C’est un rhythme neuf, tout artistique, que l’on aime par son étrangeté. Ces vers de neuf syllabes, défendus autrefois, sont vraiment dignes d’être employés ; et, tout en se gardant bien de les prodiguer, on devrait s’en servir quelquefois dans les poésies de peu d’étendue. Ils sont moins connus que les autres vers, et n’ont pas été maniés par toutes les mains ; puis ils sont souples comme des joncs, et se ploient à tous les caprices : tantôt le repos est à la troisième syllabe, tantôt à la quatrième ; on les construit à son gré.

On a trouvé généralement dans ce dernier recueil une profonde empreinte de souffrance et de décourage¬ ment. Ce que l’on y remarque surtout, c’est une soif ardente du bonheur des deux pour se consoler des douleurs de la terre ; c’est une horrible crainte d’être trompée, et de ne trouver qu’un ciel vide ; c’est le be¬ soin impérieux d’un point lumineux qui se fasse jour dans les ténèbres, d’un Dieu qui nous tende la main, quand nos amis nous retirent la leur. Après avoir lu ces vers, on se dit tristement : « Pauvre poëte, comme il a pleuré avant de chanter ! » Mais ces plaintes ne sont pas seulement, comme on se l’imagine, le cri d’une âme qui souffre, elles sont naturelles à tous les poètes. Lisez Lamartine, Hugo, lisez-les tous, et vous verrez qu’heureux ou malheureux, tôt ou tard ils se lassent de la vie et en désirent une plus radieuse ; quand ils se sont enorgueillis de leur gloire, ils en sentent le vide ; ils finissent par être las de cette poésie de mots qui n’est jamais qu’une pâle