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Mme Anaïs Ségalas est née en 1814 : si jeune et déjà placée si haut comme poëte, Mme Ségalas doit nous permettre de citer son extrait de naissance à la tête de nos éloges. L’instinct poétique se développa chez elle en même temps que l’intelligence. À l’âge de sept ans elle fit des vers. si l’on peut donner le nom de vers à une pensée, ou plutôt à un sentiment encadré dans des lignes rimées. Cet enfant, qui ne connaissait pas d’autre prosodie que deux ou trois fables de La Fontaine apprises par cœur, s’avisa de composer, pour la fête de son père, un compliment simple et filial, beaucoup mieux tourné et surtout mieux senti que celui de son professeur, lequel fut bien surpris du dédain que cette petite fille témoignait pour les figures de rhétorique et pour les lieux communs du style pédantesque. Depuis cet essai précoce, la vocation de M m . c Ségalas se prononça, et ne rencontra pas d’obstacles dans la tendresse idolâtre de ses parents.

Mariée dans sa quinzième année à M. Victor Ségalas, avocat distingué à la cour royale de Paris, et frère d’un des plus habiles praticiens de l’Académie de médecine, elle se livra plus exclusivement à son goût favori pour la littérature, et elle ne cessa de mûrir, de féconder par la lecture et par la méditation, le précieux germe de poésie jeté dans son âme par un souffle inconnu, ainsi que ces graines invisibles que les vents récoltent dans les airs et sèment d’un hémisphère à l’autre, sur un sol aride pu fertile. L’imagination de Mme Ségalas était merveilleusement propre à développer ces dispositions naturelles : les premiers vers vraiment dignes de ce nom, qu’elle façonna, contenaient ce qui vaut mieux que la forme froidement et classiquement arrêtée, le génie du poëte, ce feu sacré qui peut luire parmi les incorrections du langage, et sous les pâles hémistiches d’une versification inexpéri-