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neur, pour l’exiler. Ce fut en vain que d’Ans publia une apologie de sa conduite, en vain que l’électeur de Bavière résista longtemps aux ordres du conseil d’Espagne. Maximilien-Emmanuel sut au moins rendre honorable l’exil de son protégé, qu’il n’avait pu empêcher. D’Ans partit pour l’Italie comme envoyé de l’électeur de Cologne. En cette qualité, il fut très-bien reçu à la cour de Florence et à celle du vice-roi de Naples. Il se rendit ensuite à Rome, où il obtint plusieurs audiences du pape Innocent XII, qui l’accueillit très-favorablement, ajoutant foi au bon témoignage de l’archevêque de Cologne sur l’orthodoxie de son envoyé. D’Ans parvint si bien à gagner les bonnes grâces du souverain pontife, qu’à sa recommandation, il reçut le bonnet de docteur au collége de la Sapience. Pendant son séjour à Rome, le père jésuite, confesseur du roi d’Espagne et qui était le plus grand ennemi d’Ans, vint à mourir. L’électeur de Bavière sollicita alors et obtint le rappel de son ami. À son départ de la ville éternelle, d’Ans reçut en présent du pape un chapelet de pierres précieuses, orné d’une médaille d’or. D’Ans, de retour à Bruxelles, s’aperçut bientôt que tous ses ennemis n’étaient pas morts. Il fut exilé de nouveau en 1698 et se rendit à Rome pour la quatrième fois. Le pape écrivit au roi d’Espagne en sa faveur et attesta son innocence. Bientôt, il fut rappelé à Bruxelles. Mais en 1704, on lui signifia, par lettre de cachet, d’avoir à se retirer, dans la huitaine, des terres de la domination d’Espagne. D’Ans vint se réfugier à Liége, avec l’espoir d’être enfin tranquille dans sa patrie. Cependant, à peine y fut-il arrivé, qu’on lui suscita de nouvelles persécutions. Il porta lui-même ses plaintes au prince-évêque, Joseph Clément de Bavière, qui le prit sous sa protection. Bientôt après, ses amis obtinrent pour lui la permission de revenir à Bruxelles, mais sous la condition qu’il se tiendrait enfermé chez lui. Enfin les Pays-Bas étant passés, en 1706, de la domination espagnole sous celle de la maison d’Autriche, d’Ans fut rétabli honorablement par le chapitre lui-même. En 1711, il fut, par l’influence des états généraux de Hollande, nommé doyen du chapitre de Tournai ; mais il ne put jamais prendre possession de cette dignité, à cause des obstacles qu’y mirent les molinistes, ses implacables adversaires. Ceux-ci laissèrent pourtant d’Ans en repos, pendant les dix-sept dernières années de sa vie, mais lors de sa dernière maladie, les molinistes, le cardinal archevêque de Malines à leur tête, assiégèrent durant plusieurs jours le lit du vieillard moribond, pour lui faire accepter la bulle unigenitus. D’Ans leur opposa une fermeté ou, si on l’aime mieux, une obstination invincible. Il s’attira par là le refus absolu des derniers sacrements et même de la sépulture ecclésiastique. Il expira, âgé de soixante-quinze ans, sans avoir reçu les sacrements, selon les uns ; d’autres prétendent qu’il fut administré par un prêtre charitable et inconnu.

Ainsi mourut d’Ans, qui subit un sort semblable à celui d’Arnauld son ami, persécuté comme lui pendant sa vie et enterré, comme lui, dans un lieu ignoré. Son corps inanimé fut enlevé, comme l’avait été le corps vivant du célèbre Grotius. Peu de temps avant sa mort d’Ans avait vendu sa bibliothèque, qui était fort considérable ; son cercueil passa, sans que l’on s’en aperçût, parmi les caisses de livres que l’on déménageait. On prétend que la persécution ne s’arrêta pas là et que ses ennemis poussèrent l’acharnement jusqu’à solliciter la permission de faire la perquisition et l’exhumation de ses restes, mais que cette demande barbare leur fut refusée.

Ruth d’Ans possédait des talents éminents, de rares qualités, naturelles et acquises. Cela explique les amitiés dévouées qu’il sut se concilier et peut-être aussi les haines acharnées qu’il eut le malheur de s’attirer. Il était en relation et en correspondance suivies avec un grand nombre de personnages marquants de son époque : princes, cardinaux et savants ; on cite parmi eux le médecin de l’empereur de Charles VI, le prince Ernest, landgrave de Hesse, et surtout le fameux prince Eugène de Savoie. Les ouvrages d’Ans ont presque tous pour objet