n’était pas convenable qu’avant de faire le voyage d’Allemagne, il se montrât à Bruxelles, « afin qu’on ne conçût point quelque sinistre opinion et arrière-pensée contre lui[1]. » Cette excuse fut peu goûtée de don Juan, qui insista, auprès de Charles d’Arenberg, en des termes tels qu’il ne put se soustraire à l’accomplissement de sa promesse.
De retour de sa mission en Allemagne, d’Arenberg trouva don Juan établi à Bruxelles, et reconnu pour gouverneur des Pays-Bas par les états généraux. La bonne intelligence qui s’était établie entre les représentants de la nation et le lieutenant de Philippe II ne devait pas toutefois être de longue durée : impatient des bornes dans lesquelles son autorité était circonscrite, don Juan s’empara, par surprise, du château de Namur (24 juillet 1577), et par là fut rallumé le flambeau à peine éteint de la guerre civile. Charles d’Arenberg avait, ainsi que le duc d’Arschot, le prince de Chimay, les comtes du Rœulx et de Eauquembergue et d’autres gentilshommes de distinction, accompagné don Juan à Namur ; après cet éclat, il partit pour Mirwart, d’où il se rendit dans sa principauté. Sa position devenait de plus en plus difficile : à Bruxelles on parlait de confisquer ses biens et ceux de sa mère, s’il ne se rangeait point du parti des états. Dans ces circonstances, il montra sa fidélité aux sentiments que lui avait transmis son père : « En advienne ce qui vouldrat, — écrivit-il à don Juan — Vostre Altèze se peult bien asseurer que je ne manqueray jamais à la promesse que luy ay faicte, ny que m’emplieray jamais en chose qui soye contre mon Dieu et mon roi : plustost mourir[2]. À quelque temps de là, les états généraux le sommèrent de venir prendre, dans un court délai, le commandement de sa compagnie d’hommes d’armes ; il demanda à don Juan d’Autriche quelle réponse il devait leur faire : « En vous déclarant — lui écrivit don Juan — (comme je ne faiz doubte ferez) comme gentilhomme qui jusques à présent avez si bien fait, en suivant les vestiges de vostre feu père, vous monstrant pour le service de Dieu et de vostre prince naturel et nous venant trouver, vous ne leur saurez donner meilleure response[3]. » Marguerite de la Marck sut toutefois, sous différents prétextes, retenir son fils auprès d’elle, mais en protestant que tous deux « ils mourraient plutôt que de faire chose qui fût contre Dieu, le service du roi, leur honneur et leur réputation[4]. »
Le successeur de don Juan d’Autriche dans le gouvernement des Pays-Bas, Alexandre Farnèse, ne vit pas de bon œil la conduite réservée de la comtesse d’Arenberg et de son fils. Aussi la mort du comte de Rennenbourg (22 juillet 1581) ayant rendu vacant le gouvernement de Frise et de Groningue, il résista aux sollicitations que lui fit la maison de Lalaing, alors très-influente, pour qu’il en revêtît Charles d’Arenberg ; il consentit seulement, sur le désir que celui-ci lui exprima de s’employer au service du roi, à lui confier le commandement de mille reîtres, à la tête desquels il prit part au siége d’Audenarde. Après la reddition de cette ville (2 juillet 1582), le prince de Parme envoya d’Arenberg à la diète d’Augsbourg, pour y représenter le cercle de Bourgogne. La diète finie, il lui donna une autre mission. Gebhard Truchses, archevêque de Cologne, qui avait embrassé la confession d’Augsbourg et s’était marié, prétendait non-seulement conserver son électorat, mais encore y introduire le protestantisme : le chapitre et le magistrat s’opposèrent à ses desseins ; alors il recourut à la voie des armes. Farnèse chargea d’Arenberg de se rendre à Cologne et d’offrir aux membres du magistrat, ainsi qu’aux chanoines, l’appui du roi d’Espagne ; il le fit suivre d’un corps d’infanterie et de cavalerie qu’il plaça sous ses ordres, et qui concourut aux opérations militaires dont le résultat fut de contraindre Truchses à se réfugier en