Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/254

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1787, sans avoir égard aux services que le père, l’aïeul et le bisaïeul du duc avaient rendus à sa maison, ni aux mécontentements que sa décision allait causer, alors que son système de réformes suscitait déjà tant d’opposition, il donna l’ordre au comte de Trauttmansdorff, son ministre plénipotentiaire à Bruxelles, « de faire immédiatement rendre vacant le grand bailliage de Hainaut. » Trauttmansdorff signifia au duc la volonté de l’Empereur en des termes qui ne souffraient point de réplique. Le duc lui fit une réponse pleine de dignité et de patriotisme : « Mon serment et mon devoir vis-à-vis de Sa Majesté, lui dit-il, m’ont empêché de lui offrir plus tôt ma démission du grand bailliage de Hainaut, persuadé que, dans ces derniers embarras, mon attachement pour l’auguste maison et mon zèle pourraient ramener la confiance, et par là concourir aux vues bienfaisantes de Sa Majesté. Il me suffit que mes services ne puissent plus lui être agréables pour que sur-le-champ je vous prie de lui présenter l’acceptation de ma démission. Mon état, il est vrai, pénible pour moi, m’a fait sentir en ces derniers instants tout son poids et son amertume : maison a des forces quand c’est l’honneur et l’attachement pour la patrie et le souverain qui nous guident, et ce sont eux qui ont présidé à toutes mes actions. »

Deux années après, toutes les provinces des Pays-Bas se soulevaient contre Joseph II et prononçaient sa déchéance. Le duc d’Arenberg, à la suite de sa rupture avec l’Empereur, avait quitté la Belgique ; il se hâta d’y revenir, et prit, dans les premiers temps, une part active à la révolution. Réintégré, par les états de Hainaut, dans la charge de grand bailli de la province, il se rendit, le 2 janvier 1790, à Mons, dont les habitants lui firent une réception enthousiaste. Le 4, il vint à Bruxelles ; il y fut accueilli avec toute sorte d’honneurs : des volontaires à pied et à cheval allèrent à sa rencontre ; une multitude de peuple se trouva sur son passage, le saluant de ses acclamations. Depuis l’expulsion des Autrichiens, les états de Brabant étaient en permanence ; il s’empressa d’aller occuper son siége dans leur assemblée. Mais l’esprit qui dominait aux états, où l’influence de l’avocat Vander Noot (voyez ce nom) était toute-puissante, n’était pas le sien ; comme son frère le comte de la Marck et le duc d’Ursel, son beau-frère (voyez ces noms), il avait épousé les opinions démocratiques de l’avocat Vonck (voyez ce nom). Le 11 janvier, il se fit agréger au serment de Saint-Sébastien, qui choisit le comte de la Marck pour son chef-doyen ; lui-même il fut élu chef-doyen du grand serment. Son installation dans cette dignité eut lieu le 10 février ; elle fut marquée par un incident qui produisit une grande sensation. Il s’était présenté, à la tête des cinq serments[1], à la Maison du Roi (Broothuys), sur la grand’place, lieu fixé pour la cérémonie ; le vin d’honneur lui avait été offert, et un compliment lui avait été adressé, qui se terminait par ces paroles : « Si l’ennemi de nos Provinces-Unies ose disputer nos droits…, monseigneur ! la victoire est à nous : nous en avons pour garant votre patriotisme, le sang héroïque que tant d’illustres aïeux vous ont transmis, notre valeur, celle de nos intrépides volontaires agrégés, et notre cri de guerre : Vive Arenberg ! » Alors on lui fut la formule du serment qu’il avait à prêter. Lorsqu’il eut entendu qu’il s’agissait de reconnaître la souveraineté des états de Brabant et d’y rendre hommage, il se refusa à ce qu’on réclamait de lui. Le lendemain il écrivit au commissaire du grand serment et aux chefs-doyens des autres une lettre, qu’il livra à la publicité, pour expliquer sa conduite : « Vous devez, leur dit-il, me rendre la justice de croire, vous à qui mes actions ont toujours été connues, qu’aucune considération au monde ne peut me faire oublier pour un seul

  1. Ces serments étaient : le grand serment des arbalétriers, le petit serment des arbalétriers ou serment de Saint-Georges, le serment des archers ou de Saint-Sébastien et de Saint-Antoine, le serment des arquebusiers ou de Saint-Christophe, et le serment des escrimeurs ou de Saint-Michel.