Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/330

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L’Espagne, engagée par son système politique dans des guerres en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, aux Indes, qui épuisaient son trésor, ne payait pas ses ambassadeurs ; Moncada, qui, depuis le décès de son père, avait pris le titre de marquis d’Aytona, par lequel nous le désignerons maintenant, sollicita, à différentes reprises et en des termes pressants, son rappel, ne pouvant supporter davantage les dépenses auxquelles sa position l’obligeait. Il l’avait enfin obtenu au mois de septembre 1629, et il se disposait à partir pour l’Italie, quand un courrier lui apporta l’ordre du roi d’aller remplacer, à Bruxelles, le cardinal de la Cueva, qui le représentait auprès de l’infante Isabelle, et qui s’était attiré l’animadversion générale par sa hauteur et son arrogance.

Il arriva à Bruxelles le 11 novembre. La charge des ambassadeurs d’Espagne à la cour de l’Infante consistait à éclairer cette princesse de leurs conseils, à informer le roi et ses ministres de la situation des affaires aux Pays-Bas, à exercer une sorte d’autorité sur les Espagnols qui remplissaient dans ces provinces des fonctions civiles ou militaires, à diriger, à surveiller l’emploi de l’argent qui était envoyé de la Péninsule : elle exigeait de l’activité, la connaissance des hommes et des choses, de la prudence, de la fermeté unie à de la modération. Aytona montra qu’elle n’était pas au-dessus de ses forces. Dès le début de sa mission, il représenta au comte-duc d’Olivarès la nécessité de donner aux Belges plus de part dans la conduite des affaires de leur pays qu’ils n’en avaient eu jusque-là : « Il n’y a ― lui écrivit-il ― d’autre moyen d’imprimer une bonne direction aux choses du service du Roi, que de confier aux nationaux le salut de leur patrie et de leur religion, et je ne sais comment nous pourrons conserver ces provinces en la dévotion de Sa Majesté, si nous montrons de la défiance aux gens du pays et ne les faisons point participer au gouvernement. Alors même que Sa Majesté aurait une armée puissante et à la solde de laquelle l’Espagne pourvoirait régulièrement, je jugerais pour très-périlleux de traiter mal et dédaigner ces gens, que la France, la Hollande, l’Angleterre excitent à nous expulser, et auxquels elles offrent leur assistance pour cela. Je puis assurer d’ailleurs Votre Excellence que je n’en connais aucun dans lequel on ne doive, selon moi, placer autant de confiance qu’en nous-mêmes[1]. » Si ces sages avis eussent été écoutés, les Belges n’auraient pas supporté aussi patiemment la domination espagnole, et le gouvernement n’aurait pas eu, quelque temps après, à déjouer une conspiration à la tête de laquelle on vit plusieurs des chefs de la noblesse. Aytona donna à la cour de Madrid un autre conseil non moins judicieux : c’était de renvoyer aux Pays-Bas le marquis de los Balbases[2] dont le départ avait été le signal des revers des armes espagnoles[3], ou, au moins, d’y confier le commandement des troupes à quelque général de renom, entre les mains duquel fût concentrée toute l’autorité militaire : car la division de cette autorité entre plusieurs chefs pouvait entraîner d’irremédiables inconvénients[4]. Enfin il fit sentir au comte-duc les conséquences fâcheuses qui pouvaient résulter des restrictions auxquelles étaient soumis les pouvoirs des généraux et des ministres du roi à Bruxelles, obligés d’attendre des ordres de Madrid, qui n’arrivaient qu’après six semaines ou deux mois, dans des affaires dont le succès dépendait d’une résolution prompte : « Les Romains, comme vous le savez, lui écrivit-il, jamais ne donnè-

  1. …..No hay otro medio ni forma para encaminar las cosas del servicio de Su Magd que confiar à los del pais la publica salud de su patria y de su religion….. Yo no sé, señor, como podemos conservar estas provincias en la devocion de S. M. desconfiando dellos, y no dándoles parte en el govierno ; y quando S. M. tubiera un exército grande y muy assistido de España juzgára yo por cosa peligrosa el tratar mal y despreciar esta gente, teniendo à Francia, Holanda y Ingalaterra que les aconsejan que nos hechen y les ofrecen assistencia para ello : y puedo asegurar à V. E. que no conozco à ninguno de quien no me parezea que se pueda hazer tanta confianza como de qualquiera de nosotros….. (Lettre du 5 décembre 1629.)
  2. Ambroise Spinola.
  3. Lettres au roi et au comte-duc des 6 avril et 24 juillet 1630.
  4. Lettre au comte-duc du 24 juillet 1630.