Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/332

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quelle l’appelait la confiance du roi n’eut donc rien qui dût le surprendre.

Il employa l’hiver de 1632 à renforcer l’armée par des recrues faites en Bourgogne, en Irlande et dans les Pays-Bas, à mettre en ordre l’artillerie, à remonter la cavalerie, à former des magasins de munitions de guerre et de bouche ; il fit donner deux payes à toutes les troupes, qui n’avaient pas reçu de solde depuis longtemps. Avant d’entrer en campagne, il jugea nécessaire, et l’infante Isabelle partagea son opinion, de s’assurer de la place de Bouchain. Georges de Carondelet, seigneur de Noyelles, qui y commandait, entretenait, depuis quelque temps, des intelligences avec les Français, à qui on le soupçonnait de vouloir la livrer ; il s’était refusé à recevoir une compagnie d’infanterie qu’y avait envoyée la gouvernante. Mandé par cette princesse à Bruxelles, il avait cherché des prétextes pour s’excuser d’y venir. Cette conduite ne pouvait qu’augmenter les soupçons qu’on avait conçus sur sa fidélité. Aytona, ayant fait ses préparatifs avec tout le secret et la promptitude possible, ordonna, le 5 avril, au commissaire général de la cavalerie, Pedro de Barañano Aguirre, d’occuper les avenues par lesquelles Carondelet pouvait recevoir du secours de France ; il fit en même temps marcher vers Bouchain le lieutenant de mestre de camp général Jean de Garay avec un corps d’infanterie, ainsi que d’autres troupes tirées des garnisons des places voisines. Ces dispositions prises, il quitta Bruxelles. Arrivé à Valenciennes, il envoya à Carondelet une lettre par laquelle l’Infante lui enjoignait de donner entrée dans la ville à la garnison que le marquis d’Aytona jugerait à propos d’y mettre. Carondelet, voyant bien que toute résistance serait inutile, n’en fit pas de difficulté, et deux cents Wallons du régiment de Ribaucourt, que suivirent cent Espagnols, furent introduits dans la place, où le marquis entra lui-même, mais pour n’y passer que quelques heures : le même jour, qui était le 6 avril, il alla coucher à Cambrai. Il y était de deux fois vingt-quatre heures à peine, lorsqu’il découvrit, par des lettres interceptées, que Carondelet continuait ses pratiques avec la France ; alors il donna l’ordre au sergent-major Apelman, du régiment de Ribaucourt, de l’arrêter. Apelman s’étant présenté chez le gouverneur, celui-ci, lorsqu’il eut connaissance de la commission qu’il venait remplir, entra dans une fureur telle que, saisissant un couteau qui était à sa portée, il l’en blessa mortellement ; il tua de la même manière un adjudant et un capitaine dont Apelman s’était fait accompagner, et, d’un coup de pistolet, il étendit roide à ses pieds un soldat qui était aussi avec lui. Au bruit de cette épouvantable tragédie, un officier accourut, suivi de quelques soldats. Un de ceux-ci déchargea sur Carondelet son arme, qui ne fit que lui brûler la casaque ; mais un autre l’assomma d’un coup de crosse de son mousquet. Aytona commit au gouvernement de Bouchain le vicomte d’Alpen, mestre de camp d’un régiment wallon ; il revint à Bruxelles le 10 avril[1].

Il en partit le 30, pour rassembler l’armée royale, sur l’avis que le prince d’Orange avait quitté la Haye et se préparait à recommencer les hostilités. Lierre, située entre Anvers et Malines, lui parut le lieu le plus propre à cet effet ; il y réunit douze mille hommes d’infanterie, trois mille chevaux, dix-huit pièces d’artillerie et quatre cents chariots de munitions et de vivres. Il ne tarda pas à apprendre que le dessein du prince, dont les forces étaient de beaucoup supérieures aux siennes, était d’assiéger Rhinberg, de bloquer Gueldre et de faire une invasion en Flandre. Ayant délibéré avec les chefs de l’armée sur celui des deux partis qu’il convenait de prendre, ou d’aller au secours de Rhinberg, ou de mettre le siége devant quelqu’une des places de l’ennemi, il se détermina pour le premier : il marcha, le 15 mai, vers la Meuse, qu’il passa près de Maeseyck, tandis que le comte de Styrum, à la tête de soixante-dix

  1. Relation véritable et puntuelle de ce qui s’est passé en la réduction de Bouchain en la vraye obéissance de Sa Majesté. Traduit d’espagnol en françois. L’an M.DC.XXXIII. In-4° de 15 pages. — Gazette de France, ann. 1633, n° 37.—Lettre d’Aytona au comte-duc d’Olivarès, du 13 avril 1633.