Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/388

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prendre son recours au roi lui-même. Il adressa à Philippe IV, au commencement de 1647, une lettre où, après avoir rappelé les services rendus par lui et les siens à la maison d’Autriche, la captivité imméritée qu’il avait subie plus de huit années durant, le tort qu’elle avait causé à son honneur, les peines infructueuses qu’il s’était données pour être jugé, il faisait appel à la justice et à la religion du monarque : « Sire, lui disait-il, en terminant, Votre Majesté ne permette pas qu’une maison, laquelle, dans tous les troubles et révoltes de vos Pays-Bas, ne s’est étudiée qu’à donner à vos augustes prédécesseurs de perpétuelles preuves de son zèle et de sa fidélité à leur service royal par tant de belles et généreuses actions, et dont les enfants ont, en ce regard, si religieusement suivi la trace de leurs pères, soit plus longtemps privée de ce trésor que les gens de Votre Majesté m’ont enlevé par les prisons et apparences de poursuites criminelles desquelles la justice et bonté de votre naturel royal ont, par la grâce de Dieu, délivré mon innocence. Mais cela est bon pour ce qui regarde les commodités de la liberté du corps. L’esprit est plus enchaîné que jamais par ses inquiétudes et l’affliction que je reçois du mépris de vos ministres. Sire, mettez-le en liberté par la grâce que je demande très-humblement à Votre Majesté, de leur faire déclarer au moins que sa volonté est qu’ils sachent que je suis rétabli dans sa grâce royale et l’honneur de son estime, leur ordonnant de ne plus suivre ce mauvais principe qu’ils m’ont posé de la défense, que je ne puis croire que Votre Majesté leur ait faite, de m’employer à son service et de ne m’en point tenir pour moins digne que je n’étois auparavant ma disgrâce….[1]. »

Vers ce temps, le gouvernement des Pays-Bas fut confié à l’archiduc Leopold. Albert de Ligne s’adressa de nouveau à Philippe IV, afin qu’il voulût faire connaître à l’archiduc qu’il lui avait rendu ses bonnes grâces, et que, par conséquent, il pouvait être appelé à remplir des emplois publics. Les guerres avec la France l’avaient ruiné ; son château de Barbançon avait été saccagé deux fois ; un revenu considérable dont il jouissait en Lorraine avait été confisqué ; il ne recevait plus de solde ni de traitement depuis un grand nombre d’années ; il semblait donc de toute justice qu’on fît quelque chose pour lui. Philippe IV demanda sur cette requête l’opinion de l’archiduc[2]. Celui-ci ne se pressa pas de s’en occuper : ce fut seulement le 8 février 1650, plus de dix-huit mois après l’avoir reçue, qu’il répondit au roi. Tout en reconnaissant que les fautes imputées au prince de Barbançon n’avaient pu être prouvées, il n’était d’avis ni de lui rendre un commandement dans l’armée, ni de lui donner le gouvernement d’une place de guerre ou un siége au conseil d’État ; seulement il proposait que le roi le nommât gentilhomme de sa chambre en service ordinaire, dans la persuasion qu’il n’irait pas en remplir les fonctions[3]. Philippe se montra moins généreux encore que son cousin : il trouva que le prince se devait tenir pour satisfait, ne pouvant pas douter que le roi ne l’eût reçu en sa grâce, puisque ses gouverneurs avaient traité avec lui d’affaires de son service, l’avaient laissé aller à l’armée, l’avaient fait entrer dans le conseil de guerre et admis à exercer les fonctions de chevalier de la Toison d’or[4]. A partir de ce moment, nous perdons de vue Albert de Ligne jusqu’en 1658, époque où don Juan d’Autriche, gouverneur général des Pays-Bas, lui donna le commandement de la garnison d’Ypres, en

  1. Cette lettre est dans le MS. Gaignières, 686, à la Bibliothèque impériale, à Paris. Elle ne porte pas de date ; mais nous avons cru pouvoir, d’après son contenu, la regarder comme ayant été écrite au commencement de 1647.
  2. Lettre du 21 juin 1648. La requête y est jointe (Archives du royaume).
  3. Archives du royaume.
  4. …. Ha parecido decir á V. Α., que el principe se podriá dar por satisfecho con que no puede dudar que yo le he admitido en mi gracia, pues roi governadores le admiten y han tratado con él negocios de mi servicio, dexandole ir á los exércitos, y entrado en la junta de guerra dellos, y admitidole en las funciones de la órden del Tuson…. (Lettre du 18 mars 1650, aux Archives du royaume).