Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/457

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en coutume auparavant de faire tous les ans, une armée sur le territoire du royaume. De sorte que le roi put désormais s’occuper tranquillement d’assurer la défense du pays en fortifiant les différents points de ses frontières où elles étaient le plus vulnérables. Parmi les forteresses dont il garnit de la sorte les limites du royaume, particulièrement du côté de l’Égypte, la plus importante fut celle de Mont-Royal, qu’il construisit en 1115 et qui devait servir à dominer la vallée d’El Gor, continuation méridionale de celle où dort la mer Morte. L’année suivante, il retourna dans cette région avec soixante chevaliers déterminés, s’avança jusqu’à la mer Rouge et s’apprêtait à gravir les rampes du Mont-Sinaï, quand les moines qui habitaient le monastère bâti sur la montagne sainte le dissuadèrent de cette ascension, de crainte que sa présence au milieu d’eux ne les rendît suspects aux Égyptiens. En effet, on ne tarda pas à apprendre qu’une horde armée se rassemblait dans le voisinage, et le roi jugea prudent de se retirer. Mais il se dirigea cette fois vers Hébron et Ascalon, d’où il revint à Jérusalem après avoir enlevé tous les troupeaux qu’il avait rencontrés sur sa route. Cette expédition hardie suggéra au visir égyptien Afdal l’idée de demander à Baudouin une trêve qui lui fut accordée sans difficulté. Aussi bien le roi méditait une entreprise d’un caractère plus aventureux encore. Il avait appris des moines du Sinaï que là il ne se trouvait plus qu’à trois journées de marche de Babylone, capitale et résidence du grand calife d’Égypte. Dès ce moment il ne rêva plus que la conquête de cette ville. Mais une grave maladie dont il fut atteint en 1117, à Ptolémaïs, le força de renoncer à ce projet ou plutôt d’y surseoir. Bientôt personne n’osa plus espérer qu’il en revînt, et lui-même crut fermement qu’il allait mourir, si bien qu’il prit toutes ses dispositions dernières. En ce moment le patriarche Arnulf lui représenta que le pape Pascal regardait comme entaché de nullité son mariage avec la duchesse Adélaïde et lui fit connaître qu’il eût à se séparer d’elle, la fille de Tafroc, sa femme légitime, vivant encore. Il parla avec tant d’autorité que le malade promit de soumettre la question à un synode de prélats, s’il échappait à la mort. Baudouin se rétablit en effet. Alors se réunit, dans l’église de la Sainte-Croix, à Ptolémaïs, un synode d’évêques et d’abbés qui déclara nulle l’unoin du roi avec Adélaïde et lui enjoignit de se séparer d’elle. La séparation eut lieu aussitôt, et l’infortunée princesse regagna la Sicile.

Au mois de mars 1118, quand Baudouin eut repris toutes ses forces, il se décida à faire une chevauchée en Égypte et à exercer des représailles dans les terres des infidèles, pour les dommages qu’ils avaient si souvent causés aux chrétiens par leurs brusques invasions. Accompagné de deux cent seize chevaliers et de quatre cents sergents d’armes expérimentés, il traversa sans obstacle le désert de Sur et atteignit le Nil à Farama, non loin de l’antique Peluse. Si grande était la terreur que son nom répandait parmi les populations, qu’on vit à son approche les habitants des principales villes s’enfuir et les laisser désertes. Il ne se croyait plus qu’à trois étapes de Babylone et résolut de surprendre cette capitale avant que les Égyptiens eussent eu le temps d’organiser une défense efficace. Mais, ne voulant pas laisser derrière lui la grande cité de Farama, il y fit mettre le feu et ordonna à ses hommes d’en démolir les murailles. Pendant qu’il aidait lui-même à ce travail, il éprouva subitement une vive inflammation à l’endroit où il avait été blessé en 1103 en chassant dans le voisinage de Césarée. Sentant qu’il n’avait plus longtemps à vivre, il rassembla autour de lui ses principaux chevaliers et leur annonça qu’il allait bientôt les quitter. Comme ils se répandaient en cris de douleur, il les consola lui-même. Puis, s’adressant à son cuisinier Addo, il exigea de lui une dernière preuve de fidélité et lui ordonna d’ouvrir son corps quand il aurait cessé de vivre, d’en ôter les viscères et de le remplir de sel et d’aromates. Ensuite on fit de quelques pieux de tente une civière sur laquelle