sion, de nature certainement à encourager le greffier. Le marquis lui promettait une somme de 50 000 écus, si l’on parvenait à conclure la paix ou une longue trêve. Neyen montra l’obligation écrite du général des archiducs et ajouta qu’il était tout prêt à remettre au greffier 15 000 écus comptants. Il montra en outre un diamant que le marquis voulait offrir à la femme du greffier. Ce diamant, enchâssé dans une bague, valait bien six mille florins. D’Aerssen accepta la restitution de sa maison et de ses biens. Il dit qu’il pouvait accepter sans scrupule cette restitution, attendu qu’on lui avait fait tort, lorsqu’on traita de la réduction de la ville de Bruxelles, puis qu’on l’avait privé du bénéfice octroyé aux bourgeois, qui tous avaient pu jouir de leurs biens. Il y avait d’autant plus droit, poursuivit-il, qu’il était au service de la ville lorsqu’il avait été envoyé, comme représentant de la commune, en l’assemblée des états généraux. Quant aux autres présents, il refusa quelque temps de les accepter, parce que, disait-il, cela pourrait rendre sa foi suspecte ; mais, sur de nouvelles instances, il prit enfin le diamant et la cédule. Il retourna immédiatement à la Haye et alla encore avant midi trouver le prince Maurice, auquel il fit rapport de tout ce qui venait de se passer. Il lui montra en même temps le diamant et la cédule. Il fit un rapport analogue à Barnevelt. Tous deux conseillèrent au greffier de garder provisoirement les dons du père Neyen et ajoutèrent qu’on aviserait sur le parti à prendre. D’Aerssen eût désiré que Maurice restât dépositaire de ces dons ; mais le stathouder refusa formellement. Cependant la perplexité du greffier devint grande, lorsqu’il fut sollicité par de nouvelles lettres du père Neyen de recevoir les 15 000 écus, qu’il pouvait toucher dès lors selon les termes de la cédule souscrite par le marquis Spinola. Redoutant la divulgation d’un secret si délicat et même si périlleux, il suivit encore le conseil du stathouder. Le 2 juin, trois jours avant que Neyen partît de Delft pour Bruxelles, D’Aerssen rendit compte aux états généraux de sa conduite et déposa sur le bureau la cédule et le diamant. Il rendit également compte au conseil d’État, aux ambassadeurs de France, aux colonels et aux principaux seigneurs de la cour. Les plénipotentiaires français mandèrent à Henri IV que, dans tout ce qui s’était passé, D’Aerssen n’avait rien fait dont il pût être blâmé. Mais bientôt il fut l’objet de calomnies odieuses. On prétendait, dans le public, qu’il avait entamé une manœuvre équivoque et qu’il n’avait pas le courage d’y persévérer ; en deux mots, qu’il avait sacrifié sa convoitise à la crainte des suites fâcheuses. D’Aerssen, très-ému, commença par demander, pour sa décharge, une déclaration des états généraux. Elle fut votée le 7 juillet. Les états généraux déclaraient d’abord qu’ils avaient mûrement délibéré sur la franche et complète communication qui leur avait été faite par le greffier D’Aerssen, dans leur assemblée extraordinaire du 2 juin, alors qu’il avait lu la lettre du commissaire Jean Neyen, ainsi que l’obligation du marquis Spinola et montré l’anneau « de main en main. » D’Aerssen ayant demandé que « le tout » fût mis entre les mains de celui que les états généraux trouveraient bon de désigner pour le bien du pays, ils décidaient que « le diamant serait ôté par un joaillier hors de l’anneau, puis, en présence du trésorier général Georges de Bie, pesé, prisé et mis avec l’obligation en un coffret à deux serrures, sous le cachet des états généraux, puis consigné ès mains dudit trésorier pour être gardé jusqu’à ce que les états généraux eussent pris résolution sur ce qui serait expédient d’en faire. » Toutefois, dans le public, des rumeurs calomnieuses continuaient à être répandues sur la conduite tenue par D’Aerssen. « La populace, dit Grotius, interprétait en plus mauvaise part que de raison les bruits qui couraient d’une chose dont peu de personnes savaient la véritable histoire. » Pour couper court à ces calomnies, D’Aerssen prit le parti de mettre à la disposition du public des copies de la résolution des états généraux du 7 juillet et de faire imprimer en outre, sous la date du 20, un écrit où il disait en substance « qu’il avait entendu qu’on médisait de lui, soit par
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