Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/94

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tes, Barnevelt, chargé, avec Justin de Nassau, fils naturel de Guillaume le Taciturne, de détourner Henri IV des négociations que ce prince avait déjà entamées pour se réconcilier avec l’Espagne. L’élève de Mornay leur servait de secrétaire, et, dans la correspondance officielle, il était appelé Doctor Aerssen. Liévin Calvart, qui représentait les Provinces-Unies auprès de Henri IV, étant venu à mourir, Barnevelt, avec le consentement des états généraux, laissa D’Aerssen en France en qualité d’ « agent de messieurs les estats des Provinces-Unies des Pay-Bas. » Les instructions qui lui furent remises à Nantes, le 26 avril 1598, par Barnevelt et Justin de Nassau, au nom des états, sont très-curieuses. D’Aerssen devait s’efforcer de gagner la bonne grâce du roi et des principaux seigneurs du conseil ; faire en sorte que les traités conclus entre le roi et les états généraux ne fussent pas négligés ; observer tout ce qui, à la cour ou dans tout le royaume, intéresserait directement ou indirectement les Provinces-Unies, et travailler à éloigner ce qui pourrait porter dommage à la république. Il devait fixer sa résidence à Paris et se trouver, chaque semaine deux fois au moins, à la cour pour savoir ce qui s’y passait. Lorsque le roi s’éloignerait de Paris de plus de quinze lieues, il devait suivre Sa Majesté par toutes les occasions, et au moins tous les quatorze jours, il écrirait aux états généraux.

D’Aerssen succédait à Liévin Calvart dans les conjonctures les plus délicates. Le traité de Vervins, conclu le 2 mai 1598, avait rétabli momentanément la paix entre l’Espagne et la France. Enchaîné par cette convention, Henri IV ne pouvait plus accorder aux Provinces-Unies une protection ouverte : il devait dissimuler ses sympathies et cacher son assistance. C’est ce que lui-même venait de déclarer au nouvel agent de la république. D’Aerssen écrivit dans ce sens à Barnevelt. Dans cette même lettre, où se révélait déjà un politique habile, D’Aerssen signalait les dispositions vacillantes et équivoques de la reine d’Angleterre. Elle aussi semblait vouloir se réconcilier avec l’Espagne. Quel était son but ? « Veut-elle, disait D’Aerssen, que, nous ayant mis au bord du précipice, nous nous jetions entre ses bras par désespoir ? » On trouve beaucoup de lucidité et de précision dans les lettres françaises de François d’Aerssen ; car c’était en français qu’il correspondait le plus souvent avec Barnevelt et avec d’autres personnages importants des Provinces-Unies, même avec les états généraux. Les lettres et dépêches, publiées en 1846, par M. Vreede, professeur à l’université d’Utrecht, donnent la plus haute idée de la perspicacité, de la souplesse et de la causticité du jeune diplomate. D’Aerssen recueillait, selon ses instructions, toutes les nouvelles qui pouvaient intéresser les hommes d’État des Provinces-Unies. Aussi cette correspondance est-elle, à certains égards, un tableau animé de la cour de Henri IV. D’Aerssen, qui avait été grièvement malade au printemps de l’année 1599, sollicita un congé et se rendit en Hollande. Mornay écrivait, le 25 août, à Barnevelt : « …. M. D’Aerssen part d’ici laissant témoignage de fidélité et diligence ès affaires, dont il a eu charge pour vostre Estat ; de dextérité aussi et de jugement pour les temperer par les considérations du nostre ; qualités les plus recommandables pour le lieu que vous lui avez fait tenir. Particulièrement il a ce bonheur qu’en faisant sa charge avec ardeur, il n’a laissé d’avoir la bonne grâce du roi et de ceux avec lesquels il a eu affaire ; et vous en dirois davantage n’estoit que j’y serois suspect. » Ce n’était pas seulement pour rétablir sa santé que l’agent des Provinces-Unies en France avait sollicité un congé, c’était aussi pour se marier qu’il était venu en Hollande. En effet, dans les premiers jours du mois d’octobre, François d’Aerssen épousa Pétronille van Borre. Les états généraux, pour donner un témoignage de sympathie au fils de leur greffier, déléguèrent quatre députés qui les représentèrent aux cérémonies et aux fêtes du mariage. Le 20 novembre, François d’Aerssen repartit pour la France. On remarqua que, depuis cette époque,