Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments que l’on y trouva dans le chœur de l’église. De quel côté était la vérité ? Il est difficile de se prononcer aujourd’hui sur ces prétentions contradictoires.

Les poètes se sont emparés de la vie de cette princesse ; parmi ceux-ci, le plus célèbre fut Adenès, surnommé le Roi, alors attaché aux ducs de Brabant qui se prétendaient les héritiers directs de Charlemagne (Duces Lotharingiœ de prosapia sancti Caroli Magni). Il composa pour Marie de Brabant, épouse de Philippe le Hardi, le roman en vers de Berthe au grand pied (Publié par M. Paulin Paris, en 1836). Selon lui, la reine Berthe était fille d’un roi de Hongrie nommé Flore et de la reine Blanchefleur, sa femme. Blanchefleur aime sa fille avec tendresse et se sépare d’elle avec de grands regrets quand Berthe vient en France épouser Pépin ; mais avant qu’elle soit montée sur le trône, une autre femme prend sa place et Berthe, entraînée dans une forêt, va périr, quand des sergents, chargés de la mettre à mort, prennent pitié d’elle. Cependant, la reine de Hongrie, Blanchefleur, voulut venir en France voir sa fille, afin de jouir du bonheur que cette princesse devait procurer à la nation et d’être témoin de l’amour des Français pour elle. Dès qu’elle arriva en France, elle fut étonnée des plaintes qu’elle entendait de toutes parts sur l’injustice et la tyrannie de l’épouse de Pépin. Elle se présente au palais et veut se rendre à l’appartement de sa fille. Mais la fausse princesse, toute éperdue, accourt et cherche à l’éloigner. Blanchefleur insiste et entre au palais malgré tous les obstacles. La reine de Hongrie, à qui toutes ces choses étranges et contraires à son attente achevaient d’inspirer de violents soupçons, examine aussitôt les pieds de la fausse Berthe, s’assure ainsi que ce n’est pas sa fille et le déclare au roi. Les coupables sont arrêtés, avouent toute l’intrigue et l’expient par leur supplice. Qu’était devenue la véritable reine de France ? Après avoir longtemps erré à travers la forêt, mendiant son pain, exposée aux plus grands dangers, elle avait enfin rencontré dans la province du Maine un vieil et saint ermite qui lui avait donné un asile et l’avait adressée à deux laboureurs pauvres, mais charitables (ils se nommaient Simon et Isabeau), qui se chargèrent de sa misère et qu’elle en dédommagea en se mettant en état de leur être utile par ses travaux. Berthe se donna pour une infortunée, fuyant les persécutions domestiques et avoua qu’elle se nommait Berthe. Simon et Isabeau avaient deux filles, Berthe fut leur sœur ; dans sa nouvelle famille, tout le monde l’aimait ; sa douceur, sa bonté charmaient tous les cœurs ; on admirait ses vertus et ses talents, et quand l’aventure de la fausse Berthe fut connue, ses parents adoptifs commencèrent à soupçonner qu’ils possédaient chez eux la véritable reine de France. Celle-ci, cependant, ne s’occupait qu’à filer et à broder. Quelques années plus tard, Pépin, s’étant égaré à la chasse dans la province du Maine, rencontre au milieu de la forêt une jeune paysanne à qui il demande le chemin. La paysanne le lui indique. Pépin, frappé de son langage et de son air noble, se rend aussitôt à la demeure de Simon, où il acquiert la certitude qu’il a retrouvé la reine, sa fiancée, qu’il croyait perdue. Les détails les plus romanesques marquent la reconnaissance des royaux époux. Pépin tint cour plénière pendant trois jours dans la maison de Simon ; il en fit son conseiller et son ministre ; sa femme Isabeau fut dame d’honneur de la Reine et leurs filles furent ses dames du palais. La reine continua à cultiver l’art de filer et de broder qu’elle avait appris pendant son exil ; elle fila des habits pour les pauvres et Berthe la Fileuse n’est pas moins connue que Berthe la Débonnaire ou au grand pied.

Le roman espagnol, intitulé Nochès de Juvierno, ne fait pas la reine Berthe si sage. Elle aime, au lieu de Pépin, un jeune seigneur de grande maison, nommé Dudon du Lys, qui a été chargé de la de- mander en mariage pour le roi et de l’amener à Paris. C’est cette inclination qui favorise le stratagème de la fausse Berthe, qui s’appelle ici Fiamette. Fiamette offre à Berthe de prendre sa place à la faveur de leur ressemblance. Berthe doit retrouver Dudon à la porte du palais, mais au