Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/221

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mença alors pour lui et lui fournit l’occasion d’acquérir ses meilleurs titres à la reconnaissance du pays. Depuis longtemps son activité était concentrée dans le domaine abstrait : les théories, les systèmes, les problèmes scientitiques ou littéraires absorbaient toute sa pensée ; astronome, mathématicien, philologue, linguiste, il mettait une vaste érudition au service d’une prodigieuse mémoire, citait sans hésitation des scènes tragiques de Sophocle et d’Euripide et, grâce à sa connaissance de la langue copte, s’occupait, entre autres travaux exceptionnels, du déchiffrement des hiéroglyphes ; mais le patriote ardent, l’homme d’action et de progrès, se retrouvèrent, tout entiers, au premier tumulte d’une lutte suprême ! Élu membre du Congrès national, il prit une part importante à toutes les délibérations qui tendaient à constituer l’indépendance de la Belgique, à sauvegarder sa nationalité des dangers qui la menaçaient, et à provoquer le développement de sa vitalité par la double et féconde action de l’ordre et de la liberté. Beyts, se transformant en quelque sorte comme le régime politique sous lequel il vivait, laissa au fond de son cabinet d’étude ses préoccupations de savant et d’erudit quelque peu maniaque, pour ne plus montrer que le bon sens pratique du jurisconsulte et du politique expérimenté ; aussi exerça-t-il, maintes fois, une légitime influence sur l’assemblée où il siégeait. Il y vota pour l’adoption de la forme monarchique dans le gouvernement, pour l’exclusion de la famille de Nassau, pour l’abolition de la mort civile, pour l’institution du jury dans toutes les affaires criminelles. Il y combattit vivement l’extension qu’on voulait donner à l’article relatif au droit d’association, mis en rapport avec celui proclamant l’indépendance du clergé, extension qui concédait indirectement aux corporations religieuses le droit d’acquérir et la personnification civile. Il s’exprima dans le même sens lors de la discussion sur la séparation de l’État et de l’Église, et quand il vit la prescription légale exigeant l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux attaquée comme contraire aux principes de la liberté religieuse ; il rappela que, loin d’y être contraire, elle était inscrite, textuellement, dans le concordat conclu, en 1801, entre la France et le pape Pie VII. Dans une autre discussion mémorable, celle du traité des dix-huit articles, il réfuta non moins victorieusement un brillant orateur qui soutenait que la Belgique étant le produit, non des traités, mais le résultat du droit insurrectionnel, toutes les provinces soulevées contre le joug de la Hollande appartenaient à la Belgique. « Si vous sortez de votre territoire, répondit Beyts, vous en sortez par la force et c’est par la force aussi que les puissances voisines vous feront rentrer chez vous. » Beyts, qui n’avait émis qu’un vote conditionnel, entaché par cela même de nullité, lors de l’élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg comme souverain de la Belgique, défendit, en certaines circonstances, les prérogatives de la couronne. Il le fit notamment, avec beaucoup de finesse, quand on discuta le droit accordé au Roi, mais vivement contesté, de conférer des titres de noblesse, question d’autant plus délicate pour l’orateur qu’il avait lui-même fait proclamer le principe d’égalité entre les citoyens et qu’il était un noble de fraîche date. « Je n’ai plus voulu, dit-il, d’ordre équestre dans les états provinciaux, pas plus que l’ancienne distinction entre l’ordre des villes et des campagnes ; mais je n’ai pas touché à la question de savoir si une noblesse future était possible et encore moins ai-je voulu ravir à l’ancienne les titres auxquels elle attache un grand prix, avec juste raison, puisqu’ils sont la preuve de l’illustration de ses ancêtres et que si elle n’y tient pas pour elle, personnellement, elle peut y tenir pour ses enfants, à qui ces titres pourront être chers… » Ces arguments spécieux furent bien accueillis ; l’on sait que le Congrès, adoptant le terme moyen suggeré à l’esprit de l’orateur par les difficultés de sa position personnelle, inscrivit, tout à la fois, dans la Constitution le principe de l’égalité, le droit de conférer des titres de noblesse et l’abolition de tout privilége nobiliaire.

Le Congrès avait achevé sa tâche, con-