Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/370

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BORLUUT (Jean), célèbre capitaine gantois, se signala en 1288 à la bataille de Woeringen et plus tard à celle de Courtrai, en même temps que les valeureux chefs brugeois Breydel et De Coninck. Ce fut dans cette mémorable journée du 11 juillet 1302, connue sous le nom de bataille des éperons d’or, où Philippe le Bel perdit la fleur de la chevalerie française, que Borluut acquit de glorieux titres à la reconnaissance de sa patrie. En effet, indépendamment d’une armée nombreuse, aguerrie et pleine d’ardeur, le roi de France disposait encore d’un parti puissant dans la Flandre et notamment à Gand, où les Leliaerts, partisans des fleurs de lis, dominaient et poursuivaient de leur haine les Klauwaerts, défenseurs dévoués du comte Guy de Dampierre, le souverain légitime du pays. Chef de ces derniers, Borluut, en apprenant le danger qui menace l’indépendance nationale, rassemble en toute hâte ceux sur la bravoure desquels il peut compter, quitte furtivement la ville et arrive inopinément dans les plaines de Groeninghe, au moment où l’armée flamande pliait sous l’impétuosité de l’attaque ennemie. Un chroniqueur contemporain, Louis de Velthem, s’exprime ainsi :

     So quaem ’t al te hulpe den Grave.
               Elc met enen gepinden stave;
               Sonder alomme die van Gent,
               Ende die vier Ambacht, ende Waes omtrent,
               Dese en waren ten wige niet.
               Maer Jan Borluut, wat ’s gesciet,
               Hadde cnapen gecoren wt Gent,
               Die daer waren met genent,
               Ende hi was oec wt Gent geboren.

Un manuscrit du XVIe siècle rapporte que Jean Borluut « s’eschappa de nuict secrètement de la ville, à l’insieu de ceulx qui tenoient le parti contraire, avecq quelques six à sept cents fidèles serviteurs de leur prinche naturel, entre aultres beaucoup de son nom et ses alliez et amys. »

Grâce à l’énergie et au courage de Breydel, de De Coninck et de Borluut, la victoire, chèrement achetée, resta aux Flamands. En récompense d’un service aussi signalé rendu à la patrie, le comte Guy de Dampierre créa Borluut chevalier, et afin de perpétuer dans sa famille le souvenir de sa conduite glorieuse sur le champ de bataille, lui concéda le droit de prendre pour cri d’armes : Groeninghe-Velt! Groeninghe-Velt! La gloire qu’il s’était acquise n’apaisa pas, on le conçoit, la colère des Leliaerts. A peine Borluut fut-il de retour dans sa ville natale, que toutes les haines de ses ennemis, accrues par la défaite de Courtrai, se déchaînèrent contre lui. On voulut le frapper d’ostracisme et ce ne fut que quatre ans après la défaite de Philippe le Bel, que Robert, comte de Flandre, réussit à réconcilier les deux partis par une charte donnée à Deynze le vendredi après l’octave de la Sainte-Trinité, en l’an 1306. Cette pièce repose aux archives provinciales de Gand. Elle atteste que Jean Borluut, chef des Klauwaerts, avait cessé de vivre, mais que son héritier, probablement Gilles Borluut, son frère, qui l’avait suivi dans toutes ses expéditions militaires, le remplaça pour accomplir les stipulations du traité de paix.

Deux églises de Gand, l’église collégiale de Saint-Nicolas et l’église conventuelle des RR. PP. Augustins, dont le monastère fut fondé, au XIIIe siècle, par un membre de cette famille, se disputent l’honneur de posséder la dépouille mortelle du héros de Groeninghe. On peut dire que les prétentions de la première semblent se justifier, attendu que les parents de Jean Borluut, Baudouin Borluut et Catherine Uytberghe, y furent inhumés. On grava sur sa tombe :

     joannes jacet hic miles fortissimus, olim
               De Borluut dictus, nullo certamine victus.

Le chevalier Diericx dit que « l’épitaphe flamande de cet illustre guerrier est exprimée en ces termes : »

Staet. Hier light Jhann Borluut die uup t’ Groenghe-veld
        De Waelen slough. Seght : God seg’ne den held.

Jean Borluut avait épousé Heldewine de Vos, dont il n’eut pas d’enfants, et Diericx se trompe lorsqu’il affirme que Gerlin Borluut, abbé de Saint-Bavon, était le fils du vainqueur de Groeninghe.

Kervyn de Volkaersbeke.

Lodewyk van Velthem, Spiegel historiaal, p. 240. — Baron de Saint-Genois, Inventaire des chartes des comtes de Flandre, p. 322. — Diericx, Mémoires sur la ville de Gand, t. II, p. 500. — K. de V., Histoire gén. et héral. de qq. fam. de Flandre.