Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/25

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conclut à tort, d’après quelques vers de Lampsonius, que notre peintre fut élève de Jérôme Bosch, Mariette, disons-nous, vient apporter une nouvelle clarté dans le fait qui nous occupe : « J’ai vu, dit-il, chez M. Crozat, deux dessins du vieux Breughel, que je crois faits en Italie. Ce sont des vues de montagnes des Alpes ; ils portent la date 1553, et pour les détails, ils sont supérieurement beaux…. Je connais un paysage, gravé à Rome par ce peintre, avec la même date 1553. »

Il est donc bien avéré, bien constaté, que les voyages de Breughel eurent lieu avant et après sa réception à Saint-Luc. Dès lors, la date de naissance en 1530 devient, selon nous, impossible. Ajoutons cependant que Breughel fut un artiste excessivement laborieux puisque, dans une carrière relativement courte, il a produit tant d’œuvres de toute espèce. Il faut s’étonner enfin de ce que le vieux Van Mander n’ait pas dit un mot pour déplorer la mort prématurée de l’artiste. Quoi qu’il en soit, la date précise de sa naissance ne saurait être fixée et ne le sera probablement jamais, les archives du village de Breughel n’existant sans doute plus.

Pierre Breughel se lia avec un commerçant nommé Hans Franckert dont Van Mander fait un grand éloge ; ce Franckert s’attacha à notre artiste, le vit journellement et les deux amis se mirent à fréquenfer les kermesses, les foires, les noces de village, déguisés en paysans et apportant leurs cadeaux de fête comme les autres. Breughel se retrouvait sans doute avec un certain plaisir au milieu des mœurs naïves de son enfance, mais il avait un autre but : celui d’étudier de près ce qu’il voulait représenter. En effet, il rendit avec le plus grand naturel, tant à l’huile qu’à la gouache, ces querelles, ces fêtes, ces repas, ces jeux villageois qu’après lui les Teniers traitèrent avec tant de talent. Ici Van Mander nous raconte une assez plaisante historiette qui paraît en harmonie avec le caractère du peintre. Il avait une gouvernante qu’il aurait épousée si elle n’avait pas eu la rage de mentir du matin au soir ; il convint avec elle de prendre une longue taille de boulanger et d’y faire une marque à chaque mensonge ; si le bâton restait vierge de marques ou, du moins, s’il ne se remplissait qu’au bout d’un certain temps, le mariage aurait lieu ; la gouvernante fit, sans aucun doute, les efforts les plus louables, et pourtant, bien avant l’expiration du délai, le bâton disparaissait sous les entailles. Dès lors tout fut rompu et Breughel conserva sa liberté. Il revit, vers ce temps, la veuve et la fille de son ancien maître, Pierre Coucke ; les deux femmes s’étaient établies à Bruxelles et non à Anvers, comme nous le trouvons dans la notice de l’Histoire des Peintres de M. Charles Blanc, notice qui fourmille d’erreurs, confond le père et le fils, donne enfin de fausses dates pour tous. Bientôt Breughel obtint la main de la jeune Marie Coucke, cette enfant qu’il avait autrefois fait sauter sur ses genoux et qu’il épousa en 1563. La mère, Marie Bessemers, ne mit qu’une condition à cette union, c’est que Breughel viendrait habiter Bruxelles ; il pourrait mieux ainsi oublier ses anciennes relations. C’est ce qui eut lieu, et l’on voit, d’après le nombre de tableaux cités par Van Mander et peints à cette époque, quel fut le succès que Breughel obtint. Plusieurs de ses toiles lui furent commandées par l’empereur ; la ville de Bruxelles le fit également travailler, mais la mort interrompit ces derniers travaux. Il avait dessiné avec beaucoup de talent des emblèmes accompagnés de textes écrits ; les trouvant ensuite trop piquants ou trop libres, il les fit brûler par sa femme, alors qu’il était sur son lit de mort. Il mourut en 1569, n’ayant été marié que six ans et laissant deux fils, dont le dernier avait à peine un an. Il fut enterré dans l’église de Notre-Dame de la Chapelle où son fils, Jean, lui érigea un monument funéraire à lui et à sa femme, Marie Coucke. Ce monument fut restauré, en 1676, par David Teniers, le jeune. Van Mander rend au vieux Breughel le meilleur témoignage ; c’était, dit-il, un homme de mœurs honnêtes et paisibles, peu parleur, quoique fort gai