Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/303

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« J’userai envers le duc de Milan de la raison convenable; mais sachez qu’il est hautain et obstiné; qu’il ne veut point avouer ses torts et qu’il soutient même n’en avoir pas. » Sforza, au contraire, en présence de l’empereur, se montra plein d’humilité et dans son attitude et dans son langage. Charles, touché de sa soumission, l’accueillit avec bonté, et l’assura qu’après avoir pris connaissance de sa justification, il agirait à son égard raisonnablement et courtoisement.

Il ne formait point pour lui-même de prétentions sur l’État de Milan : « Je ne veux — avait-il dit à l’ambassadeur de Venise — je ne veux en Italie un seul pouce de terre, excepté ce qui m’appartient en propre, et je veux manifester au monde entier que je n’ai pas l’ambition de dominer dont quelques-uns m’accusent; » mais il inclinait à donner cet État à Alexandre de Médicis. Clément VII eut la générosité ou la sagesse de ne pas se prêter aux vues de l’empereur : il lui fit observer que les princes d’Italie, et plus encore les Vénitiens, seraient contraires à son neveu; qu’il faudrait d’ailleurs chasser Sforza de la partie du Milanais restée en sa possession[1], et que ce serait la continuation de la guerre, au lieu de la paix qu’ils désiraient tous deux si vivement. Enfin, après de longues discussions, toutes les difficultés s’aplanirent, et le 23 décembre, deux traités furent signés. Par le premier, fait entre l’empereur et le duc Sforza, celui-ci était rétabli dans le duché de Milan, à la condition de payer à l’empereur 500,000 ducats en dix années et 400,000 pour son investiture; en garantie de ce double payement, il devait lui remettre le château de Milan et la ville de Côme. Les plénipotentiaires du pape, de l’empereur, du roi Ferdinand, de la seigneurie de Venise et du duc Sforza étaient les signataires du second traité, dont les principales clauses portaient que les Vénitiens restitueraient au pape Ravenne et Cervia; qu’ils restitueraient à l’empereur tous les lieux du royaume de Naples qu’ils occupaient, et lui payeraient 100,000 écus, outre différentes sommes dont ils lui étaient restés redevables depuis 1523; qu’il y aurait entre les parties contractantes une ligue perpétuelle pour la défense de l’État de Milan et du royaume de Naples contre tout prince chrétien qui les attaquerait. Charles, que Contarini alla féliciter avec un autre envoyé vénitien et deux cardinaux de leur pays, leur dit qu’il avait eu dans sa vie bien des victoires, mais qu’aucune ne lui avait jamais causé autant de joie que la conclusion de cette paix. La publication du traité se fit avec solennité à Bologne le 1er janvier 1530; Charles, Clément et Sforza assistèrent ensemble à la messe qui fut célébrée, à cette occasion, à la cathédrale de San Petronio. Il restait à arranger le différend qu’il y avait entre le pape et Alphonse d’Est, duc de Ferrare, au sujet de Reggio et de Modène; l’empereur s’y employait avec chaleur, mais il n’y réussit pas d’abord : Clément VII était fort courroucé contre le duc; c’était l’homme du monde dont il désirait le plus se venger[2]. Quant aux Florentins, tout espoir de les réduire autrement que par la force s’était évanoui.

Jusqu’alors Charles-Quint était indécis sur la préférence qu’il donnerait, pour son couronnement, à Rome ou à Bologne. Il aurait souhaité qu’il eût lieu à Rome conformément à la tradition; de Rome il serait allé visiter son royaume de Naples, où l’appelaient les vœux de tous ses vassaux, car bien des désordres et des abus s’étaient introduits dans l’administration de cette partie de ses États, auxquels il aurait remédié par sa présence[3]. D’autre part, des raisons d’un grand poids le persuadaient de hâter son arrivée en Allemagne : l’hérésie luthérienne se propageait de jour en jour dans ce pays; le gouvernement de l’empire germanique souffrait de l’absence prolongée de son chef, et quoique les Turcs eussent été forcés de lever le siége de Vienne au mois d’octobre, toute inquiétude n’avait pas

  1. Crémone, Lodi et Alexandrie.
  2. Lettre écrite de Rome, le 28 juillet 1530, à Charles-Quint, par Louis de Flandre, seigneur de Praet, ambassadeur extraordinaire de ce monarque.
  3. Lettre de Charles à l’archiduchesse Marguerite, du 22 janvier 1530.