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Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/330

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Quelques jours auparavant, Charles avait mandé le président du grand conseil, le chancelier de Brabant et le président d’Artois, afin qu’ils délibérassent, avec les conseils d’État et privé et les chevaliers de la Toison d’or, sur les mesures qu’il avait à prendre. Le 16 mars il déclare, de leur avis, « retenir à lui » la décision des procès des Gantois prisonniers, « attendu la qualité des cas et délits dont ils sont chargés. » Le jour suivant il en condamne neuf au dernier supplice; ils sont exécutes sur la place de Sainte-Pharaïlde, au même endroit où Liévin Pien avait péri; leurs corps sont attachés à des roues et leurs têtes mises sur des pieux hors de la porte de Ter Muyden[1]. Les échevins, ayant sollicité une audience de l’empereur, viennent, le 21, accompagnés des doyens et jurés des métiers et d’un grand nombre de bourgeois notables, implorer sa clémence; le lendemain ils se rendent auprès de la reine, qu’ils supplient d’avoir pitié d’eux, de leur pardonner les offenses que quelques méchants lui ont faites, d’être leur avocate auprès de l’empereur. Charles leur répond qu’il n’a d’autre désir au monde que d’user de grâce et de miséricorde, mais qu’il a aussi le devoir de faire justice; que, dans le moment même où ils parlent, il est averti que la plupart des habitants continuent en leur mauvais vouloir, et que, s’ils se repentent de quelque chose, c’est de n’avoir pas mis à exécution tous leurs projets. La reine leur témoigne son étonnement de l’animosité qu’on a montrée contre elle, jusqu’à l’attaquer même en son honneur; elles les assure toutefois qu’elle n’en conserve aucun ressentiment; elle leur promet de parler en leur faveur à son frère. Les fêtes de Pâques approchaient; l’empereur va les passer à l’abbaye de Baudeloo, le roi des Romains à l’abbaye de Tronchiennes, la reine Marie à l’abbaye de Deynze.

Charles avait résolu, pour tenir en bride la population de Gand, d’y faire ériger une citadelle; il en pose la première pierre le 24 avril[2]. Le 29, à neuf heures du matin[3], il mande à son palais les échevins de la keure et des parchons, les deux grands doyens, les notables de la bourgeoisie, les doyens et jurés des métiers, représentant les trois membres de la ville, pour entendre la lecture de la sentence qu’il a rendue contre eux dans le procès que leur a intenté le procureur général. Cette sentence déclare les Gantois coupables des crimes de « déloyauté, désobéissance, infraction de traités, sédition, rébellion et lèse-majesté. » Elle les prive à perpétuité de leurs priviléges, droits et franchises. Elle ordonne que ces priviléges et les livres où ils sont enregistrés soient apportés à l’empereur, pour qu’il en fasse son bon plaisir. Elle prononce la confiscation de tous les biens, rentes, revenus, maisons, artillerie, munitions de guerre que la ville et les métiers possédaient. Elle dispose que les échevins des deux bancs avec leurs pensionnaires, clercs et commis, trente notables bourgeois, le grand doyen et le doyen des tisserands, vêtus de robes noires sans ceinture et à tête nue; six personnes de chacun des cinquante-trois métiers, cinquante du métier des tisserands et cinquante de ceux qui pendant les troubles étaient appelés creesers[4], en chemise, et les creesers la corde au cou, comparaîtront devant l’empereur au jour et à l’heure qu’il fixera, et, à genoux, le prieront, ainsi que la reine, de leur faire grâce et miséricorde. Enfin elle condamne les Gantois à payer, outre leur quote-part dans l’aide de 1537, cent cinquante mille carolus d’or pour une fois et six mille carolus d’or chaque année, à titre d’amende[5]. Une ordon-

  1. Relation des troubles, p. 88.
  2. Relation des troubles, p. 110.
  3. C’est la date qu’assignent à la prononciaition de la sentence la Relation des troubles et la lettre à l’archevêque de Séville que nous avons donnée, p. 681, à la suite de cette Relation. Les lettres mêmes de la sentence sont datées du 30.
  4. Nos historiens ne sont pas d’accord sur la signification à attribuer à ce mot. M. Steur fait dériver creesers de creysschen, pleurer, crier, agiter, troubler. M. Alex. Henne le traduit par braillards. M. Kervyn de Lettenhove pense que les creesers n’étaient autres que des adhérents à la secte luthérienne. Il n’est pas douteux, en tout cas, qu’ils n’appartinssent à la fraction du peuple qui s’était montrée la plus violente.
  5. Sur ces deux sommes, qui ensemble s’élevaient à 206,000 carolus, l’empereur, le l8 juin, fit remise à la ville de 78,000 carolus.