Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son roi était prêt à y donner suite[1] : Henri était irrité en ce moment contre François Ier, à cause de l’appui que trouvait auprès de lui le roi d’Écosse Jacques V. L’ambassadeur impérial à Londres eut ordre de pressentir le roi et ses ministres sur les conditions de l’alliance qu’ils seraient disposés à conclure[2]; elles furent apportées à Charles, le 23 juillet, à Monzon, par l’évêque de Westminster[3]. Plusieurs des points de ce projet de confédération ne lui parurent pas admissibles, et les négociations se poursuivirent à Londres; elles se terminèrent le 11 février 1543. Par le traité qui fut conclu ce jour-là, les deux monarques se promettaient réciproquement l’oubli des anciennes offenses, une amitié véritable, une aide mutuelle et l’extradition réciproque des ennemis ou des rebelles qui chercheraient un asile de l’un chez l’autre. Ils s’engageaient à faire sommer François de renoncer à l’alliance du Turc, et de compenser envers l’empereur et l’Empire les pertes qu’il leur avait occasionnées par cette alliance; de rendre la Bourgogne à Charles; de cesser immédiatement toute hostilité contre lui, afin de le laisser en liberté de s’opposer à l’ennemi commun de la foi; enfin de payer sans délai à Henri les sommes dont il lui restait redevable, ou de lui délivrer quelque ville en nantissement de sa dette. Si François n’acquiesçait pas à toutes ces conditions dans l’espace de quarante jours, les deux souverains s’obligeaient à entrer en France, chacun avec une armée de vingt mille hommes de pied et de cinq mille chevaux, et à ne point quitter les armes qu’ils n’eussent recouvré, l’un la Bourgogne et les villes de la Somme, l’autre la Normandie et la Guyenne, ou même toute la France. Ce traité ne reçut pas de publicité d’abord; Henri VIII désirait qu’il demeurât secret pendant quelque temps : aussi ce fut dans sa chambre, en présence des membres de son conseil d’État et de l’ambassadeur du monarque anglais, que Charles, à Barcelone, en jura l’observation[4].

L’alliance de Henri VIII était d’une extrême importance pour l’empereur dans un moment où les affaires de l’Allemagne réclamaient de sa part une attention sérieuse. Au mois de juillet 1541, l’armée du roi Ferdinand, sous les ordres du comte de Roghendorff, avait été mise en déroute, devant Bude, par les Ottomans, qui s’étaient répandus ensuite dans toute la Hongrie. Afin d’opposer une digue au débordement de ces terribles ennemis de la chrétienté, une diète avait été tenue à Spire, au mois de février de l’année suivante, sous la présidence du roi; elle avait voté la levée de quarante mille hommes d’infanterie et de huit mille chevaux. Ces troupes, que commandait le marquis Joachim de Brandebourg et auxquelles Ferdinand avait joint les siennes, s’étaient dispersées à la fin de la campagne, sans avoir réalisé aucune des espérances qu’on avait fondées sur elles. Une nouvelle diète était indiquée à Nuremberg pour le mois de janvier 1543, où des secours contre les Turs allaient encore être demandés à l’Empire. Dans ces circonstances Ferdinand sollicitait vivement son frère de passer en Allemagne; il lui représentait que sa présence pouvait seule y rétablir les affaires : elle était surtout nécessaire pour inspirer quelque respect aux protestants, dont les prétentions croissaient chaque fois qu’on avait besoin d’eux.

Jaloux de remplir les obligations que lui impose sa dignité de chef de l’Empire; prévoyant aussi que les efforts des Français, combinés avec ceux du duc de Clèves, vont être principalement dirigés contre ses États des Pays-Bas, Charles se détermine à condescendre aux instances du roi des Romains, sans se dissimuler qu’il prend une résolution des plus graves[5]. De Valence, où il avait assisté

  1. Lettre de Charles à Chapuys, du 5 avril 1542. — Journal de Vandenesse.
  2. Lettre du 5 avril déjà citée
  3. Lettre de Charles à Chapuys du 12 août. — Journal de Vandenesse.
  4. Lettre de Charles à Chapuys du 12 avril 1543.
  5. Il faut lire ce qu’il dit à ce sujet au prince Philippe dans l’instruction secrète du 6 mai dont nous parlons plus loin, et notamment ce passage : « Hago este viaje, el qual es mas peligroso para mi hourra y reputacion, para mi vida y hacienda. que puede ser..... para probar los medios que pudiere para rremediar lo que [Dios] me tiene dado, y no dexaros pobre y desautoriçado, por donde despues tendriades gran raçon de quexaros de mi..... (Je fais ce voyage, lequel est le plus périlleux possible pour mon honneur et ma réputation. pour ma vie et mes biens..... afin de conserver, par tous les moyens qui seront en mon pouvoir, ce que Dieu m’a donné, et de ne pas vous laisser pauvre et sans autorité dans le monde : ce qui vous donnerait plus tard un juste motif de vous plaindre de moi).