Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/356

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maintenant à toute sorte de moyens pour obtenir la paix; on a vu qu’il y avait employé le duc de Lorraine; au moment où Farnèse négociait à Creuznach et à Worms, un contrôleur de la maison de la reine de France était à Bruxelles auprès de la reine Marie, qu’Eléonore sollicitait vivement de travailler a la réconciliation de son mari et de son frère[1].

Charles fit son entrée à Spire le 30 janvier 1544. Aucun des électeurs ni des princes les plus considérables de l’Allemagne ne s’y trouvait encore. Le 7 février y vint le landgrave de Hesse, Philippe le Magnanime; les électeurs de Mayence, de Trêves et de Cologne y arrivèrent les jours suivants. Charles fit au landgrave un accueil plein de bienveillance. Cela n’empêcha point qu’ayant appris que des prédicateurs attachés à sa cour prêchaient publiquement, il ne l’invitât à leur ordonner de s’en abstenir; un de ces prédicateurs proclamait qu’il était licite à chaque laïe d’avoir deux femmes, et aux évêques d’en avoir autant qu’ils avaient d’évêchés[2]. Le duc de Saxe, Jean-Frédéric, arriva à Spire le 18 février. Deux électeurs, celui de Brandebourg et le palatin, y manquaient encore, ainsi que bien des princes séculiers catholiques; Charles se détermina néanmoins à ne plus différer l’ouverture de la diète. Le 20 février, après avoir, à la grande église, entendu la messe du Saint-Esprit célébrée par l’évêque d’Augsbourg, il se transporta à la maison de la ville, et fit faire la proposition aux états assemblés par le vice-chancelier de l’Empire, de Naves. Trois points en étaient principalementn l’objet : la demande d’une aide contre les Turcs et contre le roi de France, leur allié; la question religieuse, sur le règlement de laquelle l’empereur incitait les électeurs, les princes et les autres états à lui communiquer leurs vues; l’organisation de la chambre impériale, dont il les requérait aussi de s’occuper, le terme de trois ans, pour lequel l’entretien de la chambre avait été voté à la diète de Ratisbonne, étant à la veille d’expirer.

Après de courtes délibérations, la diète se prononça pour la guerre contre la France. L’alliance de François Ier avec les Turcs avait excité l’indignation de toute l’Allemagne; on reprochait aussi au roi d’avoir dit qu’il ne dédirait rien tant que de faire boire à son cheval de l’eau du Rhin : l’entraînement contre lui fut général. Le 13 mars, une députation de six membres du collége électoral et six membres du collége des princes alla porter à l’empereur la résolution de la diète; Charles en ressentit une satisfaction indicible : « Ç’a été, par ma foi, une grande chose » — dit à cette occasion Granvelle, parlait aux ambassadeurs de Venise — « et même une chose inespérée de Sa Majesté, que l’Allemagne, où le roi de France se vantait d’avoir tant d’amis, se soit tout entière déclarée comme elle l’a fait[3]. » François Ier avait destiné, pour le représenter auprès de la diète, des ambassadeurs qui s’étaient avancés jusqu’à Nancy, où ils attendaient un sauf-conduit de l’empereur. Non-seulement la diète ne voulut pas les recevoir; mais le héraut qui avait été envoyé à Spire, avec la charge de réclamer ce sauf-conduit, fut arrêté, et, en le congédiant quelques jours après, on lui dit qu’il était heureux de s’en retourner la vie sauve; qu’on lui pardonnait pour cette fois, mais qu’il se gardât bien à l’avenir de se charger de pareilles commissions. Dans le même temps la diète écrivit aux ligues suisses, les adjurant de ne donner aucun secours à la France.

Le roi Ferdinand était arrivé à Spire, le 11 mars, avec les archiducs ses deux fils aînés; le nouvel électeur palatin, Frédéric[4], y arriva le 31, et le marquis Joachim de Brandebourg le jour suivant. Le collége électoral se trouvait par là au complet. D’autres princes, et le duc de Clèves nommément, y étaient venus aussi. Jusqu’alors l’électeur de Saxe s’était refusé à reconnaître Ferdi-

  1. Correspondance de la reine Marie avec Charles-Quint.
  2. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 30 et 31.
  3. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, p. 33.
  4. Il avait succédé à son frère, Louis le Pacifique, mort le 26 mars précédent.