Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/367

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d’être en guerre avec les Anglais; un concours puissant était offert par le pape pour l’exécution de l’entreprise. À ces raisons, déduites par Charles-Quint dans une lettre au prince son fils[1], il s’en joignait d’autres qu’explique très-bien un ambassadeur de Venise qui avait résidé à la cour impériale dans les années 1546 à 1548 : « Le landgrave de Hesse, dit Alvise Mocenigo, le duc de Wurtemberg, le duc de Saxe, s’étaient faits si grands et avaient acquis tant de réputation en Allemagne que, quand ils étaient appelés aux diètes par l’empereur, ou ils ne daignaient pas y venir, ou, s’ils y venaient, ils y étaient plus honorés et respectés que l’empereur lui-même et le roi des Romains, desquels ils faisaient paraître qu’ils tenaient peu de compte, contredisant audacieusement ce que Sa Majesté Impériale proposait : de sorte que, voyant qu’il ne pouvait rien obtenir sans leur appui, l’empereur était contraint de les caresser, de leur faire honneur et souvent de les prier, pour avoir des diètes ce qu’il désirait[2]. »

Malgré le mystère dont avait été entourée la négociation avec la cour de Rome, il en avait transpiré quelque chose. Les protestants s’étaient assemblés à Francfort au mois de janvier; ils avaient délibéré sur les moyens de résister à l’empereur, au cas qu’il voulût user de la force contre eux; ils s’étaient occupés aussi du fait de l’archevêque de Cologne, qui était cité à la fois à comparaître et devant l’autorité impériale et devant le pape. Leur confédération venait d’acquérir un nouvel allié : le comte palatin avait à son tour aboli le catholicisme dans ses États. A son arrivée à Maestricht[3], le 19 février, Charles y trouva des ambassadeurs de la ligue de Smalkalde et des trois électeurs séculiers, le palatin, le duc de Saxe et le marquis de Brandebourg; ils étaient chargés de lui demander qu’il ne procédât pas en rigueur contre Herman de Wied, mais qu’il remît la cause de ce prince à la prochaine diète, où il serait entendu dans sa décharge en présence des états de l’Empire; ils devaient aussi lui exposer le soupçon, auquel différents indices avaient donné naissance, que son intention fût de leur faire la guerre, en le suppliant de ne pas permettre que de son temps des soldats étrangers foulassent le sol de la Germanie et répandissent le sang de ses fils. Il leur fit répondre, par le vice-chancelier de Naves, quant à l’archevêque de Cologne, que, si ce prince se désistait de ses entreprises, il n’y avait rien qu’on pût désirer de lui à quoi il ne fût disposé à se prêter, et à l’égard des craintes qu’ils témoignaient d’intentions hostiles de sa part, qu’elles étaient sans fondement[4]. Il tint le même langage au landgrave de Hesse, à l’électeur palatin et à l’archevêque de Mayence, dont il reçut la visite à Spire.

La diète de Ratisbonne, d’après le dernier recez, devait être précédée d’un colloque dans la même ville. Convoqué par l’empereur pour le 4 décembre, ce colloque s’était ouvert seulement le 27 janvier; quatre théologiens catholiques y avaient disputé contre quatre docteurs luthériens[5], sous la présidence de Maurice, évêque d’Eichstædt, et de Frédéric, comte de Fürstemberg, auxquels l’empereur avait adjoint plus tard Jules Pflug, évêque de Naumbourg. Les discussions avaient duré plusieurs semaines,

  1. Cette lettre, datée du 16 février 1546, à Venlo, est dans les Documente zur Geschichte Karl’s, Philipp’s II, und ihrer Zeit, publiés par M. de Döllinger, p. 40.
  2. « .....Si crano fatti grandi et di molta reputatione nella Germania il lanthgravio d’Hassia, il duca di Wirtimberg et quello di Sassonia tanto che questi tali, come eran chiamati da Cesare alle diete, ó non si dignavano venirvi, ó, se venivano, erano più respettati et honorati che l’imperatore et re di Romani, delli quali loro mostravano auco non tener molto conto; contradicevano elli audacemente alli proposti di Sua Maestà : onde lei, che vedeva non poter ottener cosa alcuna senza il favor loro, contra sua voglia, era costretta di accarezzarli, honorarli et molte volte pregarli per haver dalle diete quanto desiderava. » (Relation inédite de Mocenigo sur Charles-Quint.)
  3. Et non à Utrecht, comme le dit Sleidan.
  4. Maurenbrecher, Karl V tund die deutschen Protestanten, 1545-1555, Anhang, pp. 42*, 44*. — Sleidan, t. II, p. 282.
  5. Les théologiens catholiques étaient Pedro Malvenda, espagnol, docteur de Paris; Everard Billick, carme; Jean Hoffmeisters, augustin, et Jean Cochlée. Les protestants étaient Bucer, Brentius, Georges Major et Erard Schnepff. Chacun d’eux était accompagné d’un auditeur.