Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/386

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landgrave ne serait ni puni de mort ni réduit à une prison perpétuelle ni privé d’aucune partie de ses pays patrimoniaux. Soit que, par une légèreté ou une méprise également inconcevable, ils eussent mal lu ou mal interprété cet écrit, soit qu’ils se fissent illusion sur le crédit dont ils jouissaient auprès de l’empereur, les deux électeurs assurèrent le landgrave qu’il n’avait pas à craindre qu’on le retint prisonnier; ils lui donnèrent sur cela leur parole; ils ajoutèrent que, si l’on voulait le garder en prison ou lui imposer des conditions plus rigoureuses que celles qui étaient contenues dans le projet de traité, ils seraient prêts à courir la même fortune que lui, et que, dès qu’ils en seraient sommés par ses enfants, ils se mettraient en devoir de satisfaire à leur promesse; qu’à l’égard de la religion, il aurait les mêmes sûretés qu’eux et le marquis Jean de Brandebourg avaient obtenues[1]. Pour donner plus de force à cet engagement, ils le consignèrent dans des actes en forme, qu’ils revêtirent de leurs signatures et de leurs sceaux[2].

Philippe de Hesse, avec une suite de soixante chevaux, arriva à Halle le 18 juin, entre les électeurs de Brandebourg et de Saxe, qui étaient allés au-devant de lui jusqu’à Naumbourg. Une heure après y arrivèrent le duc Henri de Brunswick et le prince Charles-Victor, son fils, que depuis cinq ans il retenait en prison. Le jour suivant, les deux électeurs conduisirent le landgrave au palais de l’empereur. Charles les reçut assis sur son trône, ayant à ses côtés, avec les principaux personnages de sa cour, l’archiduc Maximilien, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie, le grand-maître de Prusse, le duc d’Albe, les évêques d’Arras, de Naumbourg et d’Hidelsheim, le duc et les princes de Brunswick, les ambassadeurs du pape, des rois de Bohême et de Danemark, du duc de Clèves et de plusieurs villes de la Germanie[3]; un grand nombre de seigneurs et de gentilshommes allemands était accouru pour être témoins de ce à quoi jamais ils n’auraient pu croire[4]; le peuple aussi avait voulu assister au « mystère qui se passait[5] ». La cérémonie était publique; la salle la plus spacieuse du palais avait été choisie pour en être le théâtre.

Le landgrave, introduit dans cette salle avec beaucoup d’appareil, s’avaria vers le trône, se mit à genoux, les mains jointes et la tête baissée. A sa gauche, un peu derrière lui, se plaça dans la même posture son chancelier Guntherode. Celui-ci avait à la main un écrit dont, sur les ordres de son maître, il donna lecture : il y était dit en substance que, le landgrave ayant, en la guerre passée, très-gravement offensé l’empereur et mérité par là une punition exemplaire, il s’en repentait de tout son cœur et, selon ses offres, se rendait à la discrétion de Sa Majesté; qu’il le suppliait très-humblement, et pour la miséricorde de Dieu, de lui vouloir pardonner, de révoquer le ban décerné justement contre lui, de lui laisser ses pays et sujets et de recevoir ceux-ci en sa grâce : promettant de toujours reconnaître et honorer l’empereur comme son seul souverain et seigneur, de lui faire et au Saint-Empire tout ce à quoi était tenu un loyal et obéissant prince, sujet et vassal. Charles répondit, par la bouche du

  1. Sleidan. t. II, p. 420.
  2. Dumont, Corps diplomatique, t. IV, part. II, p. 336.
       Ces actes sont datés du 4 juin.
  3. Lettre écrite à Còme de Médicis, le 20 juin 1547, par Bartolomeo Concino, son chargé d’affaires à la cour impériale. (Arch. de Florence.) — Sleidan, t. II, p. 424 — Robertson, t. II, p. 266.
  4. « .... Avia muchos señores alemanes y cavalleros que venian à ver lo que ellos nunca creyeron..... » (D’Avila, fol. 76)
  5. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, du 20 juin 1547, dans Lanz, t. II, p. 585.