Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/428

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projet d’évasion qui échoua comme les précédents[1]. Ces tentatives avortées avaient eu pour résultat de le faire resserrer davantage; la reine Marie aurait même voulu qu’il fût mené en Espagne, et elle le demanda à l’empereur. Lorsqu’il donna audience aux ambassadeurs, Charles savait que plusieurs des princes qui les avaient envoyés ne s’étaient associés que par complaisance à la démarche des électeurs de Brandebourg et de Saxe[2] : il leur dit que la demande qu’ils lui faisaient était de grande conséquence; qu’attendant sous peu de jours le duc de Saxe, il désirait, avant de prendre une résolution, en conférer avec lui; qu’ils pouvaient cependant retourner auprès de leurs maîtres, et les assurer qu’il leur témoignerait le cas qu’il faisait de leur recommandation[3].

Le moment est venu de parler de la conduite et des pratiques de Maurice de Saxe depuis que, au mois d’août 1550, ses commis à la diète s’étaient séparés des autres états sur la question du concile. Nous avons rapporté que Charles-Quint ne s’était point offensé de son opposition, et nous avons dit pourquoi : il s’était contenté d’écrire à l’électeur qu’il désirait sa présence à Augsbourg, ayant à traiter avec lui des choses d’un intérêt majeur. Maurice feignit de vouloir se rendre à cette invitation; il envoya même en avant une partie de son train : mais en même temps il lit avec adresse observer à l’empereur qu’au point où en étaient les opérations militaires contre Magdebourg, il pourrait être préférable qu’il joignît ses forces aux troupes du duc de Mecklembourg, qui assiégeait cette ville. Charles se laissa prendre au piége et n’insista point pour que l’électeur vînt le trouver[4]. A quelque temps de là, d’accord avec la diète, il nomma Maurice général de l’armée de l’Empire chargée de la réduction de Magdebourg. Nous n’avons pas à raconter ici les incidents de cette guerre ni de l’expédition que Maurice dirigea en personne contre les rebelles : disons seulement que, pendant l’hiver de 1550 à 1551, le siége fit peu de progrès; le général en chef ne paraissait pas pressé de soumettre la ville; pour l’exécution de ses desseins secrets, il avait besoin de tenir sur pied les troupes qui marchaient sous ses drapeaux.

Maurice écrivait fréquemment à Charles-Quint, et toutes ses lettres étaient pleines de témoignages de déférence pour le chef de l’Empire[5]. Charles fut averti cependant qu’il ne cachait pas son mécontentement de la détention prolongée de son beau-père; qu’autour de lui on parlait même d’aller de force délivrer le landgrave; qu’il levait des gens de guerre auxquels il faisait prêter serment de le servir contre tous sans exception[6] : Maurice venait de faire une chose qui lui était particulièrement désagréable, en choisissant, malgré tout ce qu’il lui avait écrit au contraire, le marquis Albert de Brandebourg pour son lieutenant[7]. Au mois d’août 1551, l’ambassadeur impérial en France, Simon Renard, apprit que des négociations secrètes étaient entamées entre le roi, l’électeur de Saxe et d’autres princes allemands; il sut que l’évêque de Bayonne, Jean de Fresse, était parti pour la Germanie avec la mission de les terminer; il s’empressa d’en instruire l’empereur[8]. Ce qu’on croira difficilement, c’est que des informations

  1. Alex. Henne, Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. IX, p. 127 et suiv.
  2. Les ambassadeurs du roi de Danemark, du duc de Wurtemberg et du marquis Jean de Brandebourg lui avaient, à part et en vertu d’ordres exprès de leurs maîtres, déclaré que ceux-ci faisaient cet office seulement pour satisfaire les deux électeurs de Saxe et de Brandebourg ainsi que les enfants du landgrave, mais non pour peser sur ses déterminations. (Lettre de Charles à la reine Marie du 18 novembre 1551, aux Archives du royaume.)
  3. De Thou, liv VIII. — Le P. Barre. t. VIII, p. 842.
       Ces deux historiens rapportent que, dans l’audience donnée par Charles aux ambassadeurs, on lut des lettres du roi des Romains et des ducs de Bavière et de Lunebourg en faveur du landgrave. Si ces princes écrivirent en effet à l’empereur, on peut bien affirmer qu’il ne fut pas fait publiquement lecture de leurs lettres.
  4. Lettre de Granvelle à la reine Marie, du 29 septembre 1550. (Arch. impér. à Vienne.)
  5. « Continuellement il escript à S. M. fort courtoisement », mandait Granvelle à la reine Marie le 14 juin 1551. (Arch. impér. à Vienne.)
  6. Lettres de la reine Marie à Granvelle, des 15 mai et 4 juin 1551. (Ibid.)
  7. Lettre de Charles au roi Ferdinand du 21 juin 1551, dans Maurenbrecher, p. 147*.
  8. Lettre du 14 août. (Manuscrits de Wynants.)