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Les subsides que les états des Pays-Bas avaient en dernier lieu accordés à l’empereur étaient épuisés; il était dû beaucoup d’argent aux troupes, qu’on ne pouvait, faute de payement, ni licencier ni employer contre l’ennemi selon que les circonstances l’auraient exigé; déjà des mutineries avaient éclaté dans l’armee, et il était à craindre qu’il n’y en eût de nouvelles. Les gouverneurs des provinces, mandés à Bruxelles, ne trouvèrent d’autre remède nux embarras dans lesquels se voyait le gouvernement impérial, qu’un nouvel appel au patriotisme de la nation[1]. Chacun des pays contribuant aux aides et subsides reçut l’ordre d’envoyer des députés dans la capitale : la reine régente, le 11 et le 13 septembre, réunit séparément, ainsi qu’elle le faisait depuis plusieurs années, les différentes députations; le conseiller Bruxelles leur adressa la parole au nom de l’empereur[2]. Charles-Quint ne parut point à ces réunions. Son règne était à la veille de finir.

Dans le cours de sa vie si agitée, Charles avait plus d’une fois ressenti la satiété du pouvoir suprême et le désir de s’affranchir des sollicitudes, des peines, des ennuis qui en sont inséparables[3]. La détermination de descendre du trône était arrêtée dans son esprit lorsque, au mois de juin 1550, il alla tenir la seconde diète d’Augsbourg. Plusieurs raisons y avaient vraisemblablement concouru. Sa santé, depuis longtemps déjà affaiblie, avait, les deux hivers précédents, reçu de graves atteintes; le prince son fils était parveni à l’âge de vingt-trois ans : reconnu pour le futur héritier de la monarchie espagnole par les cortès de Castille dès 1528, par les cortès d’Aragon, de Valence et de Catalogne en 1542, il venait de l’être par les états des Pays-Bas; nulle difficulté n’était donc à prévoir le jour où il plairait à l’empereur de lui transmettre l’autorité souveraine. Les événements qui suivirent son retour en Allemagne ne permirent point à Charles de donner exécution au dessein qu’il avait conçu. Cependant, d’année en année, ses indispositions s’aggravaient et le poids des affaires publiques lui devenait plus pénible.

La conclusion du mariage du prince Philippe avec la reine d’Angleterre lui fournit enfin l’occasion, tant désirée par lui, de réaliser le projet qui le préoccupait depuis plusieurs années. C’était en Espagne, et dans un monastère de l’ordre de Saint-Jérôme, situé au milieu de l’Estrémadure, qu’il avait résolu de se retirer. Il ne pouvait rester dans les Pays-Bas; ses infirmités exigeaient un climat plus doux; dans ces provinces d’ailleurs incessamment exposées aux insultes des Français, il n’aurait pas joui de la tranquillité dont il avait besoin. Au commencement de 1554, il adressa au père Juan de Ortega, général des hiéronymites, une lettre où il lui marquait que son intention était de passer le reste de ses jours au monastère de Yuste, et le chargeait d’y faire construire pour lui une habitation dont il envoyait le plan. Dans le même temps il écrivit à son fils que cette habitation devait être celle d’un simple particulier qui y vivrait avec les serviteurs les plus indispensables[4].

Il comptait passer en Espagne dans l’automne de la même année[5]. Il espérait que son fils, après la célébration de son mariage avec la reine Marie Tudor, ne tarderait pas à venir le joindre. Mais Philippe, retenu en Angleterre par des affaires majeures d’abord, ensuite par les pressantes instances de son épouse, qui se croyait enceinte, n’arriva à Bruxelles que le 8 septembre de l’année suivante[6]. Dans les délibérations qui suivirent son arrivée, et auxquelles prirent part l’empereur, le roi, la reine douairière de Hongrie et leurs principaux ministres, il fut arrêté que l’empereur abdiquerait en premier lieu la souveraineté des Pays-Bas, et ferait recevoir son fils comme son successeur dans une assemblée solennelle des états généraux de ces provinces.

  1. Papiers d’État de Granvelle, t. IV, pp. 465, 466, 467
  2. Arch. du royaume : reg. Propositions aux états généraux, 1535-1565, fol. 132.
  3. Mignet, Charles-Quint, etc., pp. 6, 9. — Retraite et mort, etc. Introduct., p. 37.
  4. Retraite et mort, etc. Introduct., p. 38-44.
  5. Retraite et mort, etc. Introduct., p. 47. — Instruct. du secrétaire Erasso du 1er septembre 1554, déjà citée.
  6. Retraite et mort, etc., p. 65.