Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
VOYAGE D ′UNE FEMME

branches de jeunes pins, qui devint un lit luxueux, après y avoir étendu une couverture et placé ma selle renversée en guise d’oreiller. À neuf heures du soir, le mercure était à 12° au-dessous du point de congélation. Après avoir donné un dernier regard aux chevaux, Jim fit un feu immense, auprès duquel il s’étendit, mais Ring se coucha près de moi pour me tenir chaud. Je ne pus dormir, mais la nuit passa rapidement, L’ascension m’inquiétait, car un vent menaçant passait par intervalles à travers les pins. Puis les bêtes sauvages hurlaient, et cela agitait Ring. C’était étrange aussi de voir le célèbre desperado, l’homme aux mains rouges de sang, dormir du sommeil de l’innocence. Et par-dessus tout, n’était-ce pas excitant d’être étendue sur une montagne de 11,000 pieds, au cœur même des montagnes Rocheuses, sans autre abri qu’un berceau de pins et avec un froid de 12° ; d’entendre hurler les loups, de contempler les étoiles à travers un dais odorant, d’avoir pour colonnes de lit des pins aigus, et pour lampe de nuit la flamme rouge d’un feu de camp ?

Un jour pur et couleur de citron parut longtemps avant le lever du soleil. Mes compagnons étaient allés soigner les chevaux, quand l’un d’eux revint en courant, me dire qu’il fallait descendre un peu sur la pente, car Jim déclarait qu’il n’avait jamais vu pareil lever de soleil. Du pic gris et glacé au-dessus de nos têtes, de la station des neiges éternelles et des pins argentés, jusqu’aux chaînes de montagnes aux profondeurs d’une pourpre de Tyr, nous regardions les plaines froides, se déroulant dans un bleu gris, semblables à la mer le matin, sous un horizon lointain. Soudain, pareil