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VOYAGE D ′UNE FEMME

je n’aurais pas eu la moindre ambition de l’accomplir. À l’heure qu’il est, je suis tout bonnement humiliée de mes succès, car Jim m’a traînée comme un ballot de marchandises, à la force des muscles. C’est au Notch qu’a vraiment commencé l’affaire de la montée. Deux mille pieds de roche massive se dressaient au-dessus de nous ; au-dessous, quatre mille de rocs brisés descendaient à pic ; des côtes d’un granit lisse, n’offrant que peu de prise au pied, se montraient çà et là ; de la neige fondue, plusieurs fois gelée, présentait un obstacle plus sérieux. La plupart des rochers étaient peu solides et roulaient dès qu’on y touchait. Ce fut pour moi un moment de terreur extrême. J’étais attachée à Jim par une corde, mais cela n’était d’aucun secours ; mes pieds paralysés glissaient sur la roche nue, et il déclara qu’il était inutile d’essayer de continuer de cette manière. Nous revînmes sur nos pas. Je voulais retourner au Notch, sachant que mon incapacité arrêtait les autres, et l’un des jeunes gens dit assez clairement qu’une femme était un dangereux embarras ; mais le trappeur répliqua d’un ton bref que, si ce n’était pas pour faire monter une dame, il ne monterait pas du tout. Il alla explorer en avant et revint dire que la ligne directe de l’ascension était bloquée par la neige. Alors, pendant deux heures, nous sommes descendus sur les mains, de rocher en rocher, le long d’une pente de 4, 000  pieds parsemée de galets, de plaques de glace et de neige, rendue périlleuse par les pierres roulantes. La fatigue, le vertige et la douleur que me faisaient éprouver mes chevilles meurtries et mes bras à moitié arrachés,