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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

ment dans cette vaste solitude. Il gelait très-fort et le froid était intense ; j’allais prendre mon parti de marcher toute la nuit vers l’étoile polaire, craignant d’être arrêtée par l’un des affluents de la Platte ou que Birdie se fatiguât, quand j’entendis le mugissement sourd d’un taureau qui, ronflant et creusant la terre, semblait vouloir disputer le droit de passage ; le pony avait peur d’avancer. Tandis qu’il se dérobait de côté et d’autre, un chien aboya, un homme se mit à jurer, j’aperçus une lumière, et, un instant après, je me trouvai dans une grande maison dont je connaissais les habitants ; je n’étais qu’à onze milles de Denver ! Il était près de minuit, et je fus heureuse de trouver de la lumière, du feu et un bon lit.

Il est difficile de se faire une idée de la splendeur des plaines, un instant avant le lever du soleil. Comme au crépuscule, une bande nuancée de l’orangé le plus brillant et le plus vif s’étend à une grande hauteur au-dessus de l’horizon, tandis que les montagnes, reflétant le soleil non encore levé, ont la lueur pourprée de l’améthyste. Je partis de bonne heure, mais m’égarai bien vite. Sachant cependant que Bear Canyon était un sublime ravin des montagnes tout près de Boulder, je traversai la prairie pour l’atteindre, et trouvai le chemin qui y conduisait. Mes exploits devaient se terminer prématurément aujourd’hui. En arrivant ici, au lieu d’une course dans les montagnes, je fus obligée de me coucher, par suite de vertiges, de maux de tête et de faiblesse produits par la chaleur intense du soleil. Dans cet ennuyeux pays, il n’y avait pas l’ombre