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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

M. Kavan, mineur, et M. Buchan, que je connaissais déjà un peu, étaient restés pour s’occuper du bétail jusqu’au retour d’Evans qu’on attendait à chaque instant. L’autre settler avait quitté le Parc avec sa famille, de sorte que, dans un rayon de vingt-cinq milles, il n’y avait pas une femme. Un vent violent s’était élevé et, joint au froid épouvantable, semblait rendre tout plus sombre. Je ne m’inquiétais absolument pas de moi-même. Je pouvais en voir de dures, et cela me plaisait ; mais j’étais très-contrariée pour les deux jeunes gens, que l’apparition soudaine d’une dame arrivant pour un temps indéfini allait beaucoup embarrasser. Il fallait affronter la difficulté ; j’entrai donc, et les surpris fumant auprès du feu dans la salle qui, toute déménagée et non balayée, avait l’air misérable. Les jeunes gens ne témoignèrent aucun ennui, et se mirent à préparer un repas qu’ils firent partager à Jim. Après son départ, je confessai hardiment ma situation pécuniaire, et leur dis que j’étais obligée de rester jusqu’à ce que les choses eussent changé ; que j’espérais ne les gêner en aucune façon, et qu’en partageant la besogne entre nous, ils pourraient aller à la chasse. Nous convînmes donc de faire pour le mieux. — Nos arrangements, que nous supposions devoir durer deux ou trois jours seulement, se prolongèrent pendant près d’un mois. Rien ne peut égaler la courtoisie et les bons sentiments de ces jeunes hommes ; ce fut, en somme, un temps très-agréable, et lorsque nous nous sommes séparés, ils m’affirmèrent que, s’ils avaient été tout d’abord déconcertés, ils sentaient à la fin que nous aurions pu continuer à vivre ainsi pendant un an,