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VOYAGE D’UNE FEMME

Je rêvai si bien des ours, que je me réveillai croyant sentir à la gorge une étreinte velue ; mais cependant, très-reposée, je montai à cheval après déjeuner ; le soleil était haut à l’horizon et l’air si vif et enivrant, que, lâchant la bride, je galopai du haut en bas de la colline. Je ne ressentais aucune fatigue. En vérité, cet air est un élixir de vie. Je fis une promenade splendide en revenant à Truckee. La route n’était pas aussi solitaire que la veille. Dans une partie profonde de la forêt, mon cheval se mit à ruer, et je vis une ourse couleur de cannelle, avec ses deux petits, traverser le chemin devant moi. J’essayai de faire tenir mon cheval tranquille, afin que la mère ne pût pas me soupçonner de desseins sur ses oursons à la démarche dandinante, et je fus très-satisfaite quand la bande gauche et velue traversa la rivière. Je rencontrai ensuite un attelage, que le conducteur arrêta pour me dire qu’il était bien aise que je ne fusse pas allée à Cornelian Bay, le chemin étant très-mauvais, et qu’il espérait que Tahoe m’avait plu. Le conducteur d’un autre attelage me demanda si j’avais vu des ours ; puis un homme pesamment armé, probablement un chasseur, me questionna pour savoir si j’étais la touriste anglaise qui, la veille, avait rencontré un ours gris. Je vis ensuite un bûcheron prenant son repas sur un rocher dans la rivière ; il toucha son chapeau et m’apporta de l’eau glacée que je pus à peine boire, tant mon cheval était inquiet ; il me cueillit aussi des œillets de montagne que j’avais admirés. Je mentionne ces petits incidents pour montrer quelles habitudes de respectueuse courtoisie envers les femmes règnent dans ce pays. Ces hommes auraient