Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

de Lyman était qu’il pourrait faire bruit de cette entrevue, et envoyer à quelque journal de l’Ouest une description du célèbre desperado. L’intérieur du repaire était effrayant, et cependant les objets noirs et hideux qui entouraient Jim ne faisaient que mieux ressortir l’élégance de ses manières et le charme de sa conversation. Je lus tout haut ma lettre, c’est-à-dire le récit de « l’ascension du pic de Long » que j’ai écrite pour l′ Out West, et le goût et la finesse de ses critiques m’intéressèrent sincèrement. C’est un véritable enfant de la nature ; ses yeux brillaient, son visage s’illumina, et enfin des larmes coulèrent sur ses joues, à la description du splendide coucher de soleil. Il nous fit entendre à son tour un article excellent qu’il est en train d’écrire sur le spiritualisme. L′antre était rempli de fumée et très-sombre, jonché de foin, de vieilles couvertures, de peaux de bêtes, d’os, de pots, de morceaux de bois, de poires à poudre, de revues, de vieux livres, de mocassins usés, de fers à cheval et de débris de toutes espèces. Il n’avait point à me donner d’autre siège qu’un tronc d’arbre, mais il me l’offrit avec autant de grâce que si c’eût été un fauteuil somptueux. Au mur étaient suspendus deux fusils de prix, un revolver de Sharp, l’écharpe et les insignes d’éclaireur. Je ne pouvais m’empêcher de regarder Jim tandis qu’il me parlait. Parfois l’ivresse le rend furieux, il jure d’une façon effroyable et son humeur est violente ; il a mené une vie de désespéré, et, de temps à autre, est sans doute encore un vrai bandit ; il n’y a guère de foyer au Colorado où l’on ne raconte les effroyables histoires de ses combats in-