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VOYAGE D’UNE FEMME

courageantes. Je ne savais vraiment comment j’allais m’en tirer. Il n’y avait ni table, ni lit, ni cuvette, ni serviettes, ni miroir, ni fenêtre, ni moyen de fermer la porte. La vie était réduite à sa plus simple expression. Je sortis ; toute la famille avait quelque chose à faire, et ne fit pas attention à moi. Je rentrai, et alors une jeune fille de seize ans, gauche, les cheveux en désordre, avec quelque chose de péniblement repoussant dans l’expression et le visage, s’assit sur un tronc d’arbre et me contempla pendant une demi-heure. J’essayai de la faire parler, mais elle faisait tourner ses doigts et répondait d’un ton hargneux, par monosyllabes. Je me demandai comment, en faisant tous mes efforts, je pourrais arriver à « me rendre agréable ». Le jour baissait ; je mis mon costume hawaïen, dont je relevai les manches jusqu’au coude, d’une « façon agréable ». Vers le soir, la famille rentra pour souper, et plaça près de la porte, du bœuf séché et du lait. Tous dormirent sous les arbres, où, avant la nuit, ils avaient porté des sacs de paille pour se coucher ; je suivis leur exemple cette nuit-là, ou plutôt je contemplai le « Chariot » pendant leur sommeil ; mais depuis, j’ai dormi sur des couvertures posées à terre sous le toit. Ces gens n’ont ni lampe, ni bougie, de sorte que si je veux faire quelque chose lorsque l’obscurité est venue, c’est à la lueur vacillante de nœuds de pin. Je dors bien, car les nuits sont froides ; il n’y a pas de punaises, et je fais beaucoup de travail manuel. Lorsque le soir tombe, j’installe mon lit par terre et vais tirer à la rivière un seau d’eau glacée ; la famille se retire sous les arbres, et j’empile assez de bûches sur le feu, pour qu’il dure