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VOYAGE D'UNE FEMME

que je crois cependant sincère, et un patriotisme intense, mais borné. Il y a neuf ans que Chalmers est venu de l’Illinois ; les médecins avaient déclaré qu’il était dans un état de consomption très-avancé et, au bout de deux ans, sa santé était devenue robuste. Ces Chalmers sont une famille bizarre ; j’en ai vu une autre semblable quelque part, — dans le fond des Highlands. Le chef est grand, décharné, hérissé et a perdu un œil. Sur une route d’Angleterre, on le prendrait pour un mendiant affamé et dangereux. Il est peu intelligent, fort opiniâtre et désire qu'on le croit instruit, ce qu’il n’est pas. Il appartient à la secte la plus rigoureuse des presbytériens réformés (les chanteurs de psaumes), dont il exagère toute la bigoterie et l’intolérance. Sa grande gloire est que ses ancêtres étaient des covenantaires écossais. Il se considère comme un théologien profond, et le soir, près des troncs de pins, il me fait des discours sur les mystères des desseins éternels et des décrets divins. Le Colorado et son avenir sont aussi le sujet perpétuel de nos entretiens. Il hait l’Angleterre d’une haine amère et personnelle. Il espère vivre assez pour voir la chute de la monarchie britannique et la désagrégation de l’empire. Il aime beaucoup à causer et me demande une foule de détails sur mes voyages ; mais si je parle favorablement du climat ou des ressources d’un autre pays, il prend cela pour une injure au Colorado. Il possède 160 acres de terrain, un droit de squatter et une force hydraulique inestimable. Il vend du bois de construction et conduit une scierie d’un genre très-primitif, dans laquelle je remarque qu’il ya toujours quelque chose qui ne va