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VOYAGE D'UNE FEMME

et lui et les autres ne se sont réveillés que pour les repas. Vendredi et samedi ont été assez froids, avec des nuits glaciales ; mais, depuis ce dernier jour, le temps a changé, et depuis que j’ai quitté la Nouvelle-Zélande, je n’ai rien ressenti de pareil à la chaleur de dimanche, bien que le thermomètre ne fût qu’à 90°. On en était malade, on grillait, on fondait, c’était insupportable par la seule puissance des rayons du soleil. Cette journée a été terrible et semblait ne devoir jamais finir. La hutte, avec son toit de boue à l’ombre des arbres, donnait un peu d’abri ; mais la famille l’occupait, et je soupirais après la solitude. Je pris l’Imitation de Jésus-Christ et me mis à errer dans le canyon parmi les feuilles desséchées qui craquaient sous mes pas. J’avais une très-grande frayeur des serpents, et, m’étendant sur une table grossière que quelque émigrant de passage avait laissée là, je ne tardai pas à m’endormir. Quand je me réveillai, il n’était que midi. Le soleil avait un air méchant et brillait de l’éclat blanc du magnésium. Un grand serpent (tout à fait inoffensif), était suspendu au pin sous lequel je m’étais réfugiée et semblait au moment de tomber sur moi. J’étais couverte de mouches noires. Le bruit affairé des insectes remplissait l’air, et les serpents, les guêpes, les mouches et les sauterelles s’en donnaient à cœur joie sous la chaleur torride. Je me demandai si la philosophie sublime de « Thomas A Kempis »aurait résisté à une température pareille. Pendant toute la journée, il me semblait entendre comme une ironie, le rire clair des fleuves de Hilo, le bruit des gouttes d’eau des averses de Kona, et je croyais voir, comme dans un mirage, la