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VOYAGE D′UNE FEMME

et très-enfoncés, les sourcils très-marqués, le nez aquilin et bien fait, et la bouche fort belle. Le visage est rasé, À l’exception d’une épaisse moustache et d’une impériale, Des cheveux de couleur fauve s′échappaient de son bonnet de chasseur, en boucles négligées, et tombaient sur son cou. Il a perdu un œil, et de ce côté le visage est repoussant, tandis que l’autre pourrait être modelé en marbre. Ce mot « desperado » était écrit en larges caractères sur toute sa personne. Je me repentais presque d’avoir cherché à faire connaissance avec lui. Son premier mouvement fut de jurer contre le chien ; mais en voyant une femme, il se contenta de lui donner un coup de pied, et s’approchant de moi, il ôta son chapeau, laissant voir ainsi un front et une tête admirables. Il me demanda, du ton d’un homme bien élevé, s’il pouvait faire quelque chose pour moi. Je désirais de l’eau, il m’en apporta dans un pot cassé, s’excusant avec grâce de n’avoir rien de plus présentable. Nous nous mîmes à causer, tandis qu’il parlait, j’oubliai sa réputation et son extérieur, car ses manières étaient celles d’un gentleman chevaleresque, et il s’exprimait avec élégance et facilité. Je lui fis quelques questions sur les pattes de castor en train de sécher, et un instant après elles pendaient à l’arçon de ma selle. À propos des bêtes sauvages du pays, il me raconta qu’il avait perdu l’œil dans une rencontre récente avec un ours gris qui, après l’avoir serré dans une étreinte terrible, le déchirant, lui cassant le bras et lui arrachant l’œil, l’avait laissé pour mort. Au moment où nous parlions, car le soleil baissait, il me dit avec courtoisie : « Vous